« Sans trop qu’il n’y paraisse », voilà bien, selon Marie-Pier Luneau, historienne de la littérature, et Jean-PhilippeWarren, sociologue, pourquoi ce qui semble aujourd’hui lourd, ennuyeux, même ridicule, cachait un pouvoir d’évocation capable, pour nos élites des années 1940 et 1950, de « saper les fondations mêmes du Québec traditionnel ». Les romans d’amour populaires mettaient en cause la nation et le catholicisme, rien de moins.
Assistés de Karol’Ann Boivin et d’Harold Bérubé, Marie-Pier Luneau et Jean-Philippe Warren, auteurs de L’amour à 10 sous, explorent « le roman sentimental québécois de l’après-guerre », ces courts récits à gros tirage et bon marché que l’on retrouvait presque partout dans les magasins, « hormis les librairies » ! Par cette pointe d’humour, les chercheurs distinguent ces opuscules de la littérature le moindrement sérieuse.
Destinés surtout à un public de 15 à 20 ans, les romans d’amour populaires offusquaient nos élites conservatrices parce qu’ils célébraient, comme l’ont bien décelé les chercheurs, « un repli individualiste sur le couple » et « un bonheur avant tout matériel ». Pour leurs contempteurs, ils « semblent avoir été l’antichambre de désirs et de fantasmes, qu’ils ont distordus, réverbérés et refaçonnés » par la fiction.
Il s’agit, pour reprendre les termes de nos chercheurs, d’un « fast food culturel ». C’est-à-dire « un rêve américain à la sauce québécoise » où le hot-dog devient le « chien-chaud » dans « un imaginaire rempli d’espoirs d’ascension sociale, où l’on conduit des voitures rutilantes, fréquente les plus beaux quartiers de Montréal, dîne dans les meilleurs restaurants, tout en s’aimant d’une passion brûlante qui semble garantir une éternelle jeunesse ».
Le dessinateur
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