Les prophéties de la montagne
Chaque jour ou presque, Pattie O’Green parcourt le mont Royal, à quelques pas de chez elle. À la fois guide, refuge et école à ciel ouvert, la montagne la bouleverse, la stimule et participe à sa relation au monde. Dans ce roman intime, foisonnant de réflexions, l’écrivaine raconte la faune, la flore, les sentiers, les coureurs et les flâneurs, et met en mots le pouvoir apaisant et transformateur de l’errance. Pour elle, il existe une grande différence entre le parc du mont Royal et les cimetières, et ces derniers se distinguent à leur tour du jardin près de l’oratoire ou encore du lac aux Castors. « Ces différents rapports à la nature semblent si simples qu’on en oublie leur construction : on ne se pose plus la question de savoir d’où ils viennent. Pourtant, ce sont ceux-ci qu’il faut questionner et guérir pour répondre aux différents enjeux environnementaux actuels et pour œuvrer à un monde plus juste », dit-elle.
Pattie O’Green met ainsi en valeur une forme de spiritualité ancrée dans l’éloge du vivant. Elle amorce une grande réflexion sur l’amour et sa signification, non seulement l’amour romantique, mais aussi l’amour amical, celui que l’on porte à toute forme de vie. « Comment peut-on apprendre à cultiver un amour qui exalte tout le vivant sans le hiérarchiser ? Cette quête d’un amour juste, au sens de justice comme de justesse, peut sembler naïve, mais elle m’anime depuis toujours : elle est au cœur de ma spiritualité. » Un roman aussi vivifiant qu’une balade en montagne.
Les prophéties de la montagne, de Pattie O’Green, Marchand de feuilles, 288 pages, en librairie le 18 septembre.
En dehors de la gamme
Dans son premier roman, Agathe (La Peuplade, 2019), Anne Cathrine Bomann explorait les thèmes de la vieillesse et du désir de vivre. Dans cette deuxième offrande, l’écrivaine danoise exploite le hasard des rencontres pour aborder l’universalité et la complexité de l’expérience humaine.
Shadi, jeune femme perfectionniste et anxieuse, doit travailler en duo avec Anna, une collègue prompte à la fête et aux conquêtes, pour rédiger son mémoire sur le deuil. Leurs recherches les mènent à découvrir Danish Pharma, une entreprise qui magouille pour mettre sur le marché un médicament qui réduirait la tristesse au moment d’un deuil, sans égard aux effets indésirables sur les mécanismes d’empathie. Différentes jusqu’au bout des ongles, les étudiantes devront unir leurs forces pour affronter l’industrie pharmaceutique et la communauté universitaire.
Anne Cathrine Bomann s’approprie avec brio les codes du thriller pour concocter un récit prenant, efficace et délicieusement confrontant. Elle propose ici une réflexion tout en finesse sur l’amour, le passage du temps et les limites de la science. Brillant.
En dehors de la gamme, d’Anne Cathrine Bomann, traduit par Christine Berlioz et Laila Thullesen, La Peuplade, 408 pages, En librairie le 6 septembre.
Muette
Dès sa tendre enfance, Catherine a dû jouer le rôle d’interprète entre ses parents – tous deux sourds – et le monde « normal ». Trop jeune, elle est devenue dépositaire de secrets lourds à porter, traversée par les mots imprécis de sa mère et le babil incessant de sa grand-mère. Déchirée entre la honte, la culpabilité et le désir de vivre pleinement, la jeune fille devra apprendre à écouter sa propre voix pour donner un sens au chaos sonore qui rythme son quotidien. Elle fera ainsi peu à peu sa place dans le monde.
Pascale Beauregard s’est inspirée de son histoire personnelle pour composer ce premier roman aussi drôle qu’introspectif. « Née de parents sourds, j’ai vite compris qu’il y avait une rupture dans la transmission de la mémoire familiale. J’étais issue d’une histoire trouée, truffée d’incompréhensions, de failles, et donc de malentendus. C’est le désir de dissiper ces malentendus qui est à la source de ce roman », avance-t-elle.
Avec son phrasé ample, Muette rappelle à bien des égards le style ambitieux d’une Marie-Claire Blais. « J’ai voulu traduire l’excès de sons et de sensations auquel la narratrice a été exposée, elle qui, déjà toute petite, se devait de tout entendre afin d’interpréter la musique du monde à ses parents. Par son souffle angoissé, Catherine invite le lecteur à plonger avec elle au cœur de la multitude de voix qui l’ont traversée au fil du temps. »
Muette, de Pascale Beauregard, Boréal, 204 pages, en librairie le 6 septembre.
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