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Critique de Le Club des enfants perdus | Génération désenchantée

Paru en premier sur (source): journal La Presse

J’avais adoré Il est des hommes qui se perdront toujours, le précédent roman Rebecca Lighieri, pseudonyme d’Emmanuelle Bayamack-Tam qui publie aussi des livres sous son vrai nom.


Publié à 8 h 30

C’était un roman puissant qui nous faisait entendre la voix du jeune Karel, le narrateur, « un décapité de l’enfance », disait-il, qui racontait la violence intrafamiliale, le racisme et la pauvreté dans un quartier défavorisé de Marseille.

Nous sommes toujours dans le registre de l’enfance et de la avec ce nouveau roman, mais pour la forme, Lighieri nous emmène complètement ailleurs.

Son roman se divise en deux : la première partie est narrée par Armand, un homme de théâtre plus grand que nature, aimé et aimant, un bon vivant pour qui l’existence semble assez simple : le travail, la famille, le plaisir. Il se fait toutefois un sang d’encre pour sa fille, Miranda, qu’il observe en catimini, presque toujours avec inquiétude ou appréhension, pas certain de bien la saisir.

C’est qu’elle est spéciale, cette enfant, toute chétive, secrète, distante. Elle n’a pas beaucoup d’amies, préfère s’isoler, et lance parfois des observations qui ne sont pas de son âge. Les relations avec sa mère, Birke, une femme blessée par une enfance traumatisante avec des parents toxicomanes, sont tendues. C’est plus facile avec son qu’elle aime plus aisément, tout en le jugeant, lui et sa génération, de façon implacable.

Les parents de Miranda ignorent tout du intérieur de leur fille, un monde riche et inquiétant. Ils ne se doutent pas de ce qui occupe ses pensées… et ses journées. Ils la traitent comme une petite chose fragile.

La deuxième partie du roman, narrée par Miranda, qui a maintenant 27 ans, nous montre bien le fossé qui les sépare. Sans rien dévoiler des surprises qui vous attendent à la lecture de ce roman foisonnant, disons seulement que l’expression « méfiez-vous des eaux qui dorment » prend tout son sens ici.

Miranda est une enfant spéciale qui voit ce que les autres ne voient pas. Amie des esprits, elle se branche sur une fréquence invisible aux yeux de son entourage.

Je suis soufflée par l’imagination de Rebecca Lighieri qui nous parle des jeunes, de leur hypersensibilité, de leur solitude et de leur angoisse d’une façon absolument brillante et originale.

Elle brosse le portrait d’une génération qui grandit sur un continent inconnu de leurs parents, un monde où un certain égoïsme, les crises climatiques, les dérives politiques et l’anxiété généralisée tissent une toile de fond assez anxiogène merci. Comme les passagers du Titanic, les parents de Miranda continuent à faire la fête pendant que le navire coule sous leurs yeux.

Le Club des enfants perdus

Le Club des enfants perdus

Rebecca Lighieri

P.O.L.

528 pages

8/10

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Dans cet article

Rebecca Lighieri Le Club des enfants perdus

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