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Le Québec à la rencontre d’Eden Robinson

Source : Le Devoir

Membre des nations Haisla et Heiltsuk, l’autrice Eden Robinson connaît un véritable succès dans les milieux anglophones du pays, notamment grâce à Monkey Beach (2000) et à sa trilogie Trickster (qui a d’ailleurs été adaptée pour la télévision de la CBC, en 2020, sous le même nom). Un peu moins connue au Québec, elle compte profiter son passage au Salon du livre des Premières Nations pour tisser des liens avec son public, mais aussi avec les nombreux auteurs de l’est du .

Ce salon, unique en son genre au Canada, se déroule du 14 au 17 novembre dans divers lieux de la ville de Québec. Ces moments de rencontre sont, aux yeux de Robinson, essentiels au développement de la littérature autochtone. Au moment de l’entrevue avec , l’autrice revient tout juste de l’Illinois, où elle avait été invitée dans le cadre de la série Visiting Writers du Butler Arts & Events Center. Et ce n’était pas la première fois qu’elle se rendait chez nos voisins du Sud comme artiste invitée. « Il y a une grande fracture entre les écrivains autochtones canadiens et nos homologues américains. Ce n’est qu’en me rendant directement aux États-Unis pour rencontrer ces artistes que j’ai pu me tailler une place parmi eux. Je pense que le Salon m’offrira cette même belle possibilité. J’ai très hâte de rencontrer les auteurs de l’est du pays, c’est un entièrement différent ! » s’exclame-t-elle.

Le fait que deux de ses oeuvres aient été traduites en 2002 par des éditeurs français, et non pas québécois, témoigne de cet étanche mur linguistique qui scinde le Canada en deux. Mais voilà que cela semble appelé à changer : après Le fils du Trickster, traduit en 2023 au Québec chez VLB éditeur, le deuxième tome de sa trilogie, La dérive du Trickster, paraît le 14 novembre à cette même maison.

Entre fiction, mythes et réalité

Le héros de la trilogie, Jared, est un adolescent de 16 ans vivant à Kitimat (le village natal de l’autrice). Il découvre peu à peu son altérité et ses origines, bien plus complexes — et surnaturelles — qu’il ne pouvait l’imaginer. Ces éléments extraordinaires s’inspirent des mythes autochtones. « Culturellement, nous [les Haislas] sommes très à l’aise avec le surnaturel. Cela prend dans notre rapport à nos ancêtres, qui sont toujours en train de s’immiscer dans nos vies pour vérifier que nous ne faisons pas de conneries avec les voitures qu’ils nous ont léguées ou pour donner leur avis sur les gens que nous fréquentons », explique-t-elle en riant. « Notre relation à la magie est donc très différente de celle qui prédomine — mais j’avoue que mes histoires sont un peu plus surnaturelles que ce à quoi les gens sont habitués dans les villages. »

Celle qui est entrée dans le monde de l’écriture par la rédaction de fanfictions d’horreur alors qu’elle était adolescente puise directement dans le réel pour insuffler de la vie à ses personnages. « Après la publication de Monkey Beach [2000 ; Les esprits de l’océan, Albin Michel, 2002], j’ai fait une tournée des écoles secondaires du nord de la -Britannique pour tenter de les convaincre d’inscrire mon à leurs programmes. À l’époque, je n’avais pas beaucoup de financement, donc j’ai été hébergée par les habitants », raconte-t-elle. « Ça m’a donné l’occasion de rencontrer des adolescents très attachants. Plusieurs d’entre eux évoluaient dans des situations familiales difficiles, et ils foutaient un peu le bordel — comme Jared. » Elle dit s’être aussi inspirée de ses cousins pour construire ce personnage.

Bien que les conflits soient omniprésents dans ses romans, Robinson essaie de les éviter dans sa vie privée, ce qui rend son processus d’écriture parfois émotif. « J’habite à quelques pas de chez mes parents. Un jour, quand mon est entré chez moi, je pleurais tellement qu’il croyait que quelqu’un était mort ! Mais je venais seulement de briser, dans mon texte, une relation que j’adorais entre mes personnages. »

L’artiste n’hésite pas à utiliser ses oeuvres littéraires comme de subtiles courroies de transmission d’opinions politiques, qu’elles aient trait aux revendications des groupes LGBTQ+ ou aux droits des premiers peuples.

Une écrivaine dans un univers de tradition orale

Dans sa , Robinson a rapidement perçu l’écriture comme une façon de mettre à profit une forme d’intelligence qui n’est pas particulièrement mise de l’avant par la tradition ancestrale de sa nation. « Les écrivains sont une nouvelle réalité pour la culture haisla, qui est depuis toujours fondée sur l’oralité, et donc sur la mémoire. Et je n’ai aucune mémoire ! » lance en s’esclaffant l’écrivaine, pour qui coucher sur papier les paysages qui l’accompagnent depuis la naissance représente l’une des plus grandes joies de la vie.

Le Salon du livre des Premières Nations en quelques temps forts

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