Paru en premier sur (source): journal La Presse
Publié à 12 h 30
Delisle se fait historien
On a suivi Guy Delisle autour du monde, de Shenzhen à Jérusalem, l’attitude désinvolte, mais le regard assez aiguisé pour montrer les dessous pas jolis de divers régimes politiques. On l’a aussi suivi dans ses aventures de papa indigne avec les quatre tomes du Guide du mauvais père. Ici, le bédéiste déploie dans ce style unique qui est le sien sa fascination pour un pionnier de la photographie et précurseur du cinéma : Eadweard Muybridge. Ça ne vous dit rien ? Et si on précise que ce curieux personnage est le photographe à qui l’on doit les célèbres clichés prouvant que les chevaux ne courent pas en sautant comme des lapins, mais grâce à une savante coordination de leurs quatre membres ? Cette quête est au cœur de Pour une fraction de seconde, qui raconte la vie étonnante de ce jeune Anglais devenu collaborateur de l’homme le plus riche des États-Unis à son époque (Leland Stanford). Un récit surprenant, mené avec sérieux, mais aussi ce je ne sais quoi d’amusé qu’on retrouve toujours chez Delisle.

Pour une fraction de seconde
Delcourt
203 pages
Quand tout va mal
On dit que l’histoire se répète. Les histoires aussi. Tsunami raconte celle de trop nombreux enfants victimes d’intimidation poussés à commettre des gestes allant contre leur nature. Ici, c’est Peter. Il achève son primaire et sa mère craint qu’il ne se fasse bouffer tout cru une fois rendu au secondaire. L’enfant possède une belle candeur, en effet, qui se traduit entre autres par son incapacité à mentir. Même si ça pourrait l’aider à ne plus subir les sévices de Gus et ses amis. Arrive une « nouvelle », Charlie, qui le défend un peu et renforce un peu son estime de lui-même. Ce qui ne donne pas que de bons résultats. Ned Wenlock, dont c’est le premier livre, tire un récit très troublant d’une prémisse mille fois lue. Le drame qu’il raconte est renforcé par une économie de mot (les dialogues sont directs, peu bavards) et un dessin très simple sans être enfantin. Ce Tsunami est puissant.

Des rêves sombres pour retrouver la couleur
Adapté d’un livre de Stéphane Allix, journaliste et écrivain aussi fondateur d’un institut de recherche sur les « expériences extraordinaires », Nos âmes oubliées creuse le mal-être de l’auteur et sa quête pour retrouver une paix intérieure. S’intéressant autant aux expériences de mort imminente qu’à la méditation, c’est par le moyen de diverses thérapies (dont le recours aux médiums) qu’il tente de dissiper un brouillard qui lui pèse depuis l’enfance. Il y a, au cœur de Nos âmes oubliées, un drame humain fort. Il n’est pas nécessaire d’adhérer au cheminement thérapeutique de l’auteur pour être touché. Surtout, c’est rendu de manière immensément inventive par Grégory Panaccione, qui multiplie les approches visuelles (d’une forme de cartoon à un réalisme poétique), mais excelle en particulier dans l’onirisme, qu’il soit léger ou grave. Voilà un album qui remue.

Nos âmes oubliées
Le Lombard
236 pages
Le pouvoir de la femme invisible
Congédiée sans manières d’un emploi qui ne la rendait pas heureuse, Caroline se cherche une porte de sortie. Mère célibataire, la cinquantaine moche, en ménopause, elle a la conviction d’être invisible et cela la déprime jusqu’au jour où elle choisit d’y voir un superpouvoir. Si personne ne la remarque, n’est-ce pas qu’elle a le profil parfait pour réaliser son rêve de petite fille et devenir détective privée ? Embauchée à l’essai pour retrouver des chiens volés, elle finira par enquêter sur la mort peut-être pas accidentelle d’une jeune Américaine venue oublier un chagrin d’amour à Paris. Ses recherches la mèneront à New York où, en compagnie de sa fille, elle élucidera le mystère et se trouvera surtout elle-même. Cati Baur crée ici un récit inattendu qu’elle met en image dans un style simple, d’un réalisme esquissé et en aplat. Ce n’est pas un feu d’artifice pour les yeux, mais c’est évocateur et colle à la désinvolture de l’ensemble.

Marcie, le point de bascule
Dargaud
137 pages