Paru en premier sur (source): journal La Presse
Rouge, publié en anglais sous le même titre en 2023, se déroule sous l’éclatant soleil de la Californie dont Mirabelle est déterminée à se protéger.
Publié à 13 h 00
Prendre soin de sa peau est une obsession chez cette femme qui, matin et soir, s’adonne à un rituel mêlant crèmes, sérum et brumisateurs. Sa quête obsessive d’une peau parfaite lui vient d’une enfance bercée par des contes où les jeunes filles sont magnifiques, alors qu’elle, née métissée dans une société blanche, se sent toujours à côté de la beauté. En particulier devant sa mère, une Québécoise blanche, avec qui elle entretient une relation pas très saine. C’est d’ailleurs pour régler les affaires de celle-ci, qui a péri dans un curieux accident, qu’elle est de passage à San Diego, où elle sera aspirée dans une espèce de secte où les élus reçoivent des traitements destinés à obtenir une peau « lumineuse ».
Mona Awad (autrice de Lapin), qui renoue ici avec des idées présentes dans ses précédents livres, excelle à installer les ambiances, à cultiver l’étrangeté et à orchestrer les glissements entre rêve et réalité. On ne sait plus trop ce qui est « vrai » ou ce qui ne l’est pas dans cette histoire aux contours fuyants. Ce n’est pas grave : l’onirisme, ici, peut être vu comme une métaphore du processus de deuil et d’expiation de l’obsession du paraître qui rongeait la mère et la fille. On étouffe par moments dans cette répétition de motifs qui fait traîner en longueur ce roman à situer quelque part entre Blanche-Neige et Eyes Wide Shut de Kubrick. Or, il faut admettre que son autrice réussit à faire le grand écart entre le cauchemar et le conte de fées.
