Paru en premier sur (source): journal La Presse
Le ministère de la Culture de la France a nommé Michel Jean chevalier de l’Ordre des Arts et des Lettres. Une prestigieuse distinction, arrivée par la poste et que l’écrivain a découverte cette semaine, qui vise à souligner son apport à la littérature francophone et son engagement à faire entendre les voix des Premières Nations dans ses romans.
Publié à 9 h 00
L’auteur de Kukum, qui avait été nommé Compagnon des arts et des lettres du Québec en 2022, rejoint ainsi les rangs de personnalités du milieu culturel québécois comme le bédéiste Michel Rabagliati, l’auteur et éditeur de Mémoire d’Encrier, Rodney Saint-Éloi, ou encore le cinéaste Denis Villeneuve.
« Pour moi, ça montre que la France estime que ce qu’on écrit a de la valeur. Même si on écrit dans une langue différente, des histoires différentes », a-t-il confié à La Presse.
C’est aussi une reconnaissance quelque part pour la littérature autochtone. Ça rappelle aux Autochtones qu’ils peuvent écrire, qu’ils peuvent publier.
Michel Jean
Le romancier déplore toutefois que la littérature autochtone soit encore perçue comme une littérature de genre au Québec, « constamment ignorée dans les prix littéraires » d’ici parce que le milieu ne la reconnaît toujours pas à sa juste valeur, à son avis.
Selon Michel Jean, pour que la littérature autochtone puisse s’imposer d’elle-même comme étant une littérature incontournable, au même titre que les autres, il faut continuer à multiplier les voix.
Et c’est justement pour cette raison qu’il a entrepris de réunir une vingtaine de plumes autochtones – dont Marie-Andrée Gill, Moira-Uashteskun Bacon, Katia Bacon, Isabelle Picard, Carole Labarre et Louis-Karl Picard Sioui (qui sera nommé Compagnon des arts et des lettres du Québec la semaine prochaine, rappelle-t-il).
Celles-ci participeront à un recueil de textes sur le thème de l’amour, qui sera abordé à travers une diversité de genres et de perceptions – l’amour du territoire, l’amour d’une personne –, et qui devrait paraître au printemps prochain.
« Personne ne faisait ça »
Michel Jean se rappelle d’ailleurs comment, pour Amun, un recueil de nouvelles collectif qu’il avait dirigé et qui était paru en 2016, il avait réussi à réunir « de peine et de misère » 10 autrices et auteurs autochtones. « C’était comme une manière de dire que c’est le premier recueil de nouvelles autochtones. Et ça a marché. »
Il ajoute qu’un grand chemin a été parcouru depuis, puisqu’il y a 15 ans, il y avait encore très peu de livres d’auteurs autochtones qui étaient publiés.
« Il y a quatre ou cinq ans, j’avais demandé à une amie qui avait écrit une nouvelle si elle avait pensé un jour qu’elle pourrait écrire. Elle m’avait dit que ce n’était pas le genre d’affaire qu’on pensait pouvoir faire chez les Autochtones. Personne ne faisait ça. Maintenant, on est passé à une jeune génération qui a la fierté d’être autochtone. C’est comme au Québec, dans les années 1940 : les gens ne pensaient pas qu’ils pouvaient devenir chirurgiens quand ils grandissaient à Drummondville, par exemple. »
Michel Jean rêve du jour où il pourra s’asseoir et lire toutes ces plumes autochtones. D’ici là, il continue à écrire. Son prochain titre, Kabasa, est prévu pour octobre.
« J’ai repris un roman que j’avais écrit avant Kukum et que personne n’avait lu, Tsunamis. Moi, je l’aimais, alors je l’ai réécrit. Il y a plus de 50 % du livre qui a changé. C’est la même histoire, mais écrite différemment, comme je l’écrirais maintenant. Kabasa, ça veut dire esturgeon jaune en abénaquis. »