Paru en premier sur (source): journal La Presse
Il y a de ces auteurs qui nous renversent par leur imagination fertile et leurs univers romanesques uniques. C’est certainement le cas de l’autrice sino-canadienne Larissa Lai.
Publié à 8 h 00
Si la romancière, reconnue pour son œuvre queer et écoféministe, vous est étrangère, c’est normal : Les sœurs de la Muée est seulement son deuxième roman traduit en français, après Le fruit de la puanteur. Saluons le travail de Sylvie Bérard et Suzanne Grenier pour la cotraduction de cette langue en verve, truffée de néologismes et empruntant à l’oralité.
Le point de départ de ce roman de science-fiction initiatique aux airs cyberpunk est à la fois fascinant et complexe. Nous voici en 2145 dans une société post-pétrolière fracturée. Il y a Saltwater City, ravagée par une épidémie de grippe du Tigre, et les sœurs de la Muée, des mutantes qui ont fui l’esclavage pour vivre en communauté autarcique, qui se reproduisent par elles-mêmes et survivent grâce à des astéries, dotées du pouvoir de régénérer leurs organes pour en faire don à leurs « sœurs ».
L’univers que déploie Lai est tentaculaire et chargé, gangrené par une violence sourde et des luttes de pouvoir, où la sororité est le seul salut. On s’y perd par moments, mais l’histoire nous attrape grâce à ses deux protagonistes : Kirilov, qui perd sa bien-aimée et dernière astérie Péristrophe, et Kora, une humaine en mode survivance à Saltwater City. Le lien qui les unit se dévoilera au fil de chapitres dont elles sont les narratrices en alternance, où un rebondissement n’attend pas l’autre. Une dystopie aux effluves oniriques qui se lit comme un thriller.
