Source : Le Devoir
On doit à Armistead Maupin un véritable phénomène littéraire. Créateur d’une galerie de personnages terriblement attachants, l’écrivain américain est doté d’un sens du récit exceptionnel. Depuis la parution du premier tome de la saga, en 1978, l’auteur des Chroniques de San Francisco s’est bâti un lectorat colossal dans le monde entier. Traduits en dix langues, adaptés en télésérie, en bédé et même en comédie musicale, les livres de son cycle se sont vendus à des millions d’exemplaires.
Dixième tome des Chroniques de San Francisco, « Mona et son manoir » est annoncé par Maupin, qui célébrait ses 81 ans le 13 mai dernier, comme l’ultime chapitre de la série. Faut-il le croire ? C’est que l’homme a souvent dit qu’il en avait terminé avec les aventures des habitants du 28 Barbary Lane. Quoi qu’il en soit, ce livre magnifique, aussi tendre que palpitant, aussi drôle que sensible, est un hymne irrésistible à l’amitié. On pourrait difficilement imaginer une plus belle conclusion pour cette série dont les êtres de papier, qu’on retrouve chaque fois tels de précieux amis, nous ont procuré tant de vives émotions.
Une affaire de famille
Le roman a ceci d’original qu’il nous entraîne dans les années 1990, décennie que la série n’avait pas encore abordée, et qu’il se déroule dans la campagne anglaise, plus précisément à Easley House, un manoir dont Mona a hérité de lord Roughton, un homme avec qui elle a accepté de se marier pour qu’il obtienne sa carte verte et refasse sa vie à San Francisco. Converti en une maison d’hôtes aussi charmante que délabrée, refuge pour les cœurs meurtris et les corps enfiévrés, le manoir est le théâtre d’une suite d’aventures attendrissantes, cocasses, mais également inquiétantes, puisque Maupin ne peut s’empêcher d’insuffler du suspense à son récit en s’engageant, ici comme ailleurs, du côté de la comédie policière.
On observe en filigrane les ravages du sida, puisque l’action se déroule en 1993, au moment où l’épidémie connaît son paroxysme, mais on trouve ici à vrai dire tous les motifs qui sont chers à Maupin, à commencer par cette solidarité indéfectible qui continue de lier les personnages de manière bouleversante, et ce, peu importe la distance qui sépare les membres de cette « famille choisie ». Autour de Mona, on retrouve Anna Madrigal, sa mère, Michael Tolliver, son ami des 20 dernières années, et Wilfred, son fils adoptif, un jeune homme plein d’esprit, gai et métis, qui avait déjà fait une apparition dans le quatrième tome de la série. Puis on rencontre Poppy, la maîtresse de poste, qui est l’amoureuse plus ou moins officielle de Mona.
L’élément perturbateur, celui qui va bousculer le quotidien somme toute paisible de la maisonnée, c’est l’arrivée de Rhonda et d’Ernie Blaylock, un couple de touristes américains. Quand Mona et Wilfred apprennent que Rhonda est victime de violence conjugale depuis de nombreuses années, se met en branle un plan de sauvetage dont on vous laisse découvrir l’étonnante conclusion, mais dont on se permet tout de même de vous dire qu’elle implique un feu de joie célébrant de manière cathartique le solstice d’été. Ce livre émouvant, amusant, aux pages qui se dévorent, on ne saurait trop vous recommander d’en faire un compagnon de voyage.
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