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Si Pierre Foglia n’a pas laissé une œuvre livresque, il nous a pourtant raconté comme nul autre la vie, par des chemins de traverse qu’il savait seul emprunter. Hommage à l’homme, ami des mots comme des chats.
Depuis l’annonce de son décès, c’est une déferlante de souvenirs de ses chroniques qui nous assaillent tous et toutes, et on prend conscience de l’influence qu’il a eue sur notre époque et comment il a modifié, mot après mot, notre manière de la saisir. Pierre Foglia a bousculé les idées reçues, donné un coup de pied aux bien-pensants, façonné une manière de présenter l’actualité, le tout avec une élégance de ton et une franchise dérangeante.
On a aimé le lire encore et encore. Son œuvre – c’est bien de ce qu’il s’agit, n’est-ce pas? – en est une éphémère et éternelle à la fois, ses textes ayant abordé l’actualité parfois de front, souvent par la bande, son œuvre donc, est intangible, puisque l’homme, discret, refusait qu’on en fasse une publication intégrale, si ce n’est qu’une seule, Le tour de Foglia, un ouvrage publié en 2004, qui rassemble ses textes sur le Tour de France. Pierre Foglia n’a pas publié, mais a souvent parlé de livres qu’il aimait, d’auteurs et d’autrices qu’il affectionnait et relisait. Il en a mis au monde certains, en glissant ici et là un commentaire élogieux. Il a contribué à cultiver l’envie de découvrir des livres qui d’emblée, trouvaient peu de preneurs à l’époque. Loin de moi l’idée de le comparer à ceux qui en font un métier aujourd’hui, mais il fut un influenceur (on l’entend hurler, si?) de son temps. Les libraires avaient tout intérêt à se procurer ses livres favoris puisque le public le suivait. On pense bien sûr à l’œuvre d’Annie Ernaux, bien sûr, mais aussi à des livres tels que Il faut qu’on parle de Kevin de Lionel Shriver, L’équilibre du monde de Rohinton Mistry, La fiancée américaine d’Eric Dupont, S’édenter la chienne de David Goudreault ou Soigne ta chute de Flora Balzano, récemment réédité. Quelques mois avant qu’il annonce sa décision de se retirer, il demanda à ses lecteurs et lectrices de lui faire parvenir leurs dix livres favoris afin de dresser une liste de 100 titres favoris des Québécois et Québécoises, qui a été publiée en février 2015. À l’époque, nous en avions fait une thématique, que vous pouvez consulter ici. Parue en 2015, sa biographie Foglia l’insolent, par Marc-François Bernier, est toujours disponible.
Pierre Foglia nous laisse tous et toutes dans le deuil. Avec sa plume fabuleuse et libre, qui hurlait ou murmurait selon ses humeurs, lui qui était si discret, si humble dans sa manière d’être, il nous a tous et toutes invités à célébrer l’ordinaire et à y puiser de l’émerveillement. Merci, monsieur Foglia.