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«L’île sans pont»: un refuge en soi

Source : Le Devoir

« S’il y a une chose que peut faire l’écriture, c’est de créer ces moments de rencontre. J’écris dans l’espoir d’une réconciliation », déclarait Yannick Marcoux en entrevue au Devoir, à la suite de la parution de son recueil de nouvelles, L’horizon des phares, en novembre dernier.

Si, avec cette première œuvre, il envisageait la réconciliation comme un pas vers l’autre, un possible terrain d’entente pour un Québec de plus en plus divisé, son premier roman, qui arrive ces jours-ci en librairie, est beaucoup plus intimiste. Dans L’île sans pont, c’est d’abord par la rencontre de soi que l’auteur propose de faire advenir la paix et l’harmonie.

Lorsque Félix Laplante apprend que la femme de sa vie attend un enfant, la joie immense qui l’envahit menace d’être submergée par les doutes, les regrets et les autres fantômes qui hantent son enfance. Pour accueillir et accompagner son fils comme il se doit, le jeune trentenaire doit faire la paix avec un passé disloqué, marqué par un exil abrupt.

Il embrasse sa Sarah, déterminé à devenir un homme, un père, et monte à bord de la chaloupe qui l’amènera sur le lieu qui l’a vu naître, un jour de tempête : son île, ses langues de terre dans lesquelles la marée dépose ses secrets, ses vagues, à la fois menaçantes et ouvertes sur l’horizon infini du monde.

Yannick Marcoux n’a pas la prétention de réinventer la roue avec cette histoire somme toute simple, de laquelle émergent, comme des petits trésors laissés par la marée, des pépites d’humanité, de douceur et de renouveau. Il écrit d’abord et avant tout pour faire du bien — à lui-même autant qu’aux autres —, montrant qu’il est possible, dans ce présent chaotique et terrifiant, de trouver en soi la force de s’apaiser, d’avancer, de donner, dans la vie comme dans l’amour, le meilleur de soi.

La narration suit cette logique, s’attardant dans un mouvement prévisible, parfois trop chargé, aux émotions des personnages et aux contours de l’île, de ses habitants et de son quotidien rythmé par l’humeur du fleuve. Elle ouvre un espace, dans lequel on peut se reconnaître et se déposer… ou s’ennuyer un peu, devant l’évidence.

« Il me semble qu’on n’a rien fait de la journée, mais ce n’est pas vrai, écrit-il. Plutôt, on a pris tout le temps voulu pour faire chaque chose. C’est précieux. On a retourné l’horloge face contre table, elle bourdonne, mais on ne l’entend pas. Les heures se diluent dans la réplique d’un Dali… »

L’île sans pont est comme ça. Il exige de lâcher prise sur la performance ou la recherche de sens. L’écrivain l’offre comme on offre la paternité : il en fait un refuge, un endroit — semblable à son île — où oublier le rythme effréné du temps pour se concentrer sur l’essentiel, et ainsi mieux savoir accueillir ce qui nous attend sur l’autre rive.

Extrait de « L’île sans pont »

 

L’île sans pont

★★★

Yannick Marcoux, XYZ, Montréal, 2022, 232 pages

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