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Pour cette toute dernière « liste de l’invitée » de l’histoire de Plus on est de fous, plus on lit!, Marie-Louise Arsenault reçoit la fidèle collaboratrice Claudia Larochelle. Cette dernière sera à la barre d’une nouvelle émission littéraire intitulée Chapitre d’été les dimanches, à l’antenne d’ICI Première, à partir du 26 juin.
Quel mot vous décrit?
« Entière ». Je suis entière dans tout ce que je fais. Parfois, ça devient ma plus grande qualité; souvent, mon plus grand défaut. Il n’y a pas de demi-mesures avec moi.
Quelle est votre devise?
« Take your broken heart, make it into art » – Carrie Fisher. Prends ton coeur brisé, fais de l’art avec. C’est mon moteur dans l’écriture. J’écris avec ce qui a été blessé et qui saigne encore un peu. Ça stoppe l’hémorragie.
Où aimeriez-vous être en ce moment?
En Italie, à boire du vin avec mes amis les plus chers, à manger des pâtes très simples; à célébrer l’amitié, le fait d’être en vie, de ne pas penser au lendemain, d’aimer, de donner, de recevoir en retour.
À quel personnage vous identifiez-vous?
À Anna, dans Le marin de Gibraltar, de Marguerite Duras (1952). Une femme parcourt les mers à bord de son yacht à la recherche de son marin disparu. Elle transporte avec elle un autre homme qui se cherche lui-même. Ensemble, ils vont trouver ce qu’ils ne croyaient pas chercher de prime abord. Ce roman est une belle image sur la récompense de l’attente ou des quêtes qui ne donnent pas toujours les résultats qu’on attendait sans nous mécontenter pour autant.
Quelle est votre madeleine de Proust?
L’odeur du fixatif à cheveux me ramène toujours à l’adolescence ou au début de ma vingtaine quand, très fébriles, on se préparait entre copines à aller dans des soirées où nous n’avions pas toujours l’âge légal. Je me souviens du 1250, à Saint-Bruno.
Quel est votre mot préféré?
« Nuance ». On en manque cruellement en ces temps où plusieurs idées m’apparaissent polarisées, extrêmes, sans centre. La nuance est ce à quoi on devrait plus aspirer avant d’arrêter nos idées.
Quel mot aimeriez-vous bannir?
« Asticot ». Tout m’écoeure chez l’asticot, à commencer par son apparence, par sa nécrophagie. L’été, on en voit plus. Il y a ceux qu’on retrouve dans les bacs à compost et ceux qui ont l’apparence humaine, gluants et encombrants, collants et complètement inutiles.
Quel livre a changé votre vie?
L’œuvre entière d’Annie Ernaux
Quel rêve ou cauchemar récurrent faites-vous?
Je rêve souvent que je perds mes dents du devant. Elles tombent, je les remets, elles retombent, j’arrive en panique chez le dentiste et il ne peut pas me prendre, il est complet, alors je fais une crise de larmes dans la salle d’attente. Il me les remet, mais elles ne tiennent jamais. C’est très angoissant.
Racontez la nuit la plus folle de votre vie.
J’en ai eu vraiment plusieurs. Au début des années 2000, j’ai dansé dans un bar près des Champs-Élysées, à Paris, avec Romain Duris et Jamel Debbouze. Ils n’étaient pas de si grandes stars, mais déjà un peu quand même, et je ne le réalisais pas sur le coup. Je les avais rencontrés par hasard en demandant une clope à l’un d’eux; on a jasé, rigolé, et c’est ça. C’était fou, en y repensant.
Quel défaut pouvez-vous pardonner?
Il y en a plein. L’imperfection ne me rebute pas. Je préfère de loin les êtres imparfaits ou trop parfaits. La perfection, c’est louche! Je pardonne principalement aux impatients et aux bordéliques, deux défauts qui me décrivent aussi.
Quel livre avez-vous honte de n’avoir jamais lu?
Prochain épisode, d’Hubert Aquin. Je ne l’ai jamais terminé après plusieurs tentatives.
Quel livre offrez-vous en cadeau?
Chauffer le dehors, de Marie-Andrée Gill
Écoutez la deuxième partie de la « liste de l’invitée » avec Claudia Larochelle
Quel est votre plus récent engouement artistique (livre, film, théâtre, album…)?
La pièce Toutes choses, par Fanny Britt et Alexia Bürger, au Théâtre de Quat’Sous. Il y avait là des références directes à ma génération, mon époque, ma candeur brisée. Un rapport à l’amitié que je comprends beaucoup. Et ces créatrices sont vraiment parfaites.
Quelle expression vous exaspère?
« Avoir les yeux plus grands que la panse. » Ridicule. On n’a jamais les yeux assez grands, assez désireux de vouloir tout manger, tout avaler.
Quelle est votre réplique fétiche?
« Marianne : Tu crois vraiment que deux êtres puissent vivre ensemble toute leur vie?
Johan : C’est une convention idiote qui nous vient de je ne sais où. On devrait signer des contrats de cinq ans. Ou établir un contrat renouvelable par accord tacite et qu’on pourrait dénoncer tous les ans. »
– Scènes de la vie conjugale, d’Ingmar Bergman
Qui est votre héroïne ou votre héros dans la vie réelle?
Je ne dis pas ça pour faire ma vertueuse, je le pense sincèrement : mon héroïne n’est pas connue. Elle s’appelle Caroline, elle est caissière chez IGA au salaire minimum sur le boulevard Rosemont, à Montréal, elle est monoparentale, elle tente de payer son loyer qui a augmenté d’une manière indécente, et elle espère qu’il lui en restera un peu à la fin du mois pour payer une gâterie à son fils. Elle n’a même pas les moyens d’aller chez la coiffeuse ou de s’acheter un vernis à ongles pour se remonter un peu. Malgré sa fatigue, son stress, ses peines, elle me sourit à la caisse. Chaque fois.
À qui voudriez-vous adresser un mot d’excuse?
À tous ceux envers qui j’ai déjà été odieuse. C’est arrivé à quelques reprises. Par orgueil ou par peur de perdre quelque chose, la plupart du temps. Je m’en veux aujourd’hui. Parfois, ça m’empêche de dormir.