Alors que sonne le cinquième mois de l’agression russe contre l’Ukraine, une certaine routine semble s’installer. Depuis l’étranger, si la stupeur et l’indignation commencent parfois à s’émousser, rien ou presque n’a changé pour les habitants de Kiev. Ils continuent à vivre et à aimer, à naître et à mourir dans l’insécurité, sous la menace des bombes et des saboteurs. Dans « l’ombre du monstrueux », écrirait Jünger.
Dès le début, le 24 février 2022, l’écrivaine et photographe Evgenia Belorusets, née en 1980 à Kiev, a entrepris de tenir un « journal de guerre », Il est 15 h 30 et nous sommes toujours vivants, fait d’entrées quotidiennes et de photographies prises dans les rues, persuadée que la guerre ne durerait que quelques jours. Ayant longtemps vécu entre Kiev et Berlin, elle l’a rédigé en allemand, et celui-ci a d’ailleurs été en partie publié par l’hebdomadaire Der Spiegel.
Dans la foulée de son travail artistique passé, au croisement des arts visuels, de la littérature, du journalisme et de l’activisme, c’est une manière de canaliser la stupéfaction qu’elle éprouve et de chercher un sens à ce qui n’en a pas. Raconter le quotidien des habitants de Kiev lui permet aussi de mesurer les effets de la guerre dans la capitale ukrainienne.
Bruits d’explosions, sirènes antiaériennes, silence inhabituel des rues devenues pratiquement désertes. Cette femme, qui a grandi avec la devise « Tout sauf la guerre ! », ne reconnaît plus Kiev, où chaque carrefour est surveillé jour et nuit par les membres armés de la Défense territoriale.
Inconcevable
Au sixième jour, elle
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