Serait-ce une provocation ? Au moment où a lieu la Commission de vérité et réconciliation du Canada sur les pensionnats pour Autochtones, en 2012, le Vatican proclame Kateri Tekakwitha sainte et figure d’unité (1656-1680), jugée parmi les membres des Premières Nations victimes du colonialisme et de l’esprit missionnaire. En 2022, le pape François paraît approuver le verdict de certains Autochtones en osant même le mot « génocide ».
Jean-François Roussel, de l’Institut d’études religieuses de l’Université de Montréal, consacre un ouvrage très savant à Kateri Tekakwitha, née sur le territoire de l’actuel État de New York d’un père iroquois non chrétien et d’une mère algonquine catholique. Elle meurt dans la mission jésuite de Kahnawake, près de Montréal. Roussel se demande : « Pourquoi raconter une histoire aussi embarrassante ? » Il donne à son livre un sous-titre à la fois beau et énigmatique : « Traverser le miroir colonial ».
L’essayiste fait preuve d’un rare discernement qui permet au lecteur de comprendre le caractère embarrassant du rôle de Kateri Tekakwitha. Roussel souligne que l’idée novatrice d’« inculturation », introduite en 1978 par le supérieur général des Jésuites de 1965 à 1981, le père Pedro Arrupe, a fait éclater l’ancien esprit missionnaire et son lien intime avec la colonisation.
Le catholicisme iroquois du XVIIe siècle, quoique nouveau, est resté culturellement iroquois, articulé aux autres cultures autochtones de son époque et à la culture française des missionnaires et des colons. Kateri n’a pas cessé d’être une Mohawk, dans son âme et dans son rapport à son corps.
Selon Arrupe, « la
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