« Il faut porter du chaos en soi pour pouvoir mettre au monde une étoile dansante. » Cette réflexion de Nietzsche, qui conclut la collaboration de Jacques Senécal au Devoir de philo, semble contredire le préfacier du recueil, notre chroniqueur et philosophe Normand Baillargeon, acclamant « la raison et le savoir comme outils d’émancipation » pour « rendre la philosophie populaire ». Mais la pensée ne naît-elle pas de la liberté ?
L’ouverture d’esprit de Normand Baillargeon et de Robert Dutrisac, l’un des éditorialistes du Devoir, qui signe l’introduction, permet d’accueillir les surprises et les singularités de la pensée, sans lesquelles celle-ci, à travers son histoire, ne serait plus elle-même. Par exemple, Senécal, essayiste, professeur de philosophie retraité, adepte de la « simplicité volontaire », ne craint pas de nous ébranler en rappelant, à la suite de Nietzsche, que notre civilisation « repose sur du vide plus que sur de la plénitude ».
Parmi les 22 textes du recueil, seuls ceux de Senécal sur Friedrich Nietzsche (1844-1900) et de Mathieu Burelle sur Jean-Jacques Rousseau (1712-1778) paraissent défier les conventions en présentant des penseurs que certains considéreront comme des écrivains, des artistes, plutôt que comme des philosophes. Burelle, collaborateur beaucoup plus jeune que Senécal et professeur de philosophie au collège Montmorency, s’inspire de Rousseau pour juger le phénomène actuel des réseaux sociaux.
Il explique : « L’amour de soi, soutient Rousseau, est toujours bon. L’amour-propre, au contraire, est à l’origine de tous nos maux. » Celui-ci menace les réseaux sociaux, qui, selon Burelle, visent « la quête de reconnaissance ». Quant à Dutrisac, il énumère, dans
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