Dès l’origine de la colonisation de l’Amérique, une petite minorité de missionnaires dénoncent le génocide des Autochtones que cette entreprise entraîne. Ils s’opposent au pouvoir politique européen. Dès 1552, le missionnaire espagnol Bartolomé de Las Casas proteste par un livre contre « la destrucciόn de las Indias ». Gabriel Sagard, peu après la fondation de Québec, publie en 1636 un ouvrage défendant aussi les Autochtones.
Marie-Christine Pioffet, à qui l’on doit la première édition critique de l’Histoire du Canada du récollet français Gabriel Sagard (vers 1590–vers 1640), ouvrage publié à Paris en 1636, est historienne de la littérature, formée à l’Université Laval, et enseigne à l’Université York à Toronto. Les Récollets constituaient une branche des Franciscains. Envoyés en Nouvelle-France avant les Jésuites, ils furent les premiers missionnaires qui y oeuvrèrent et y explorèrent le territoire.
Consciente de l’extrême difficulté des relations, aux XVIe et XVIIe siècles, entre les Européens, qui participent en général à une conquête du territoire, et les Autochtones, Marie-Christine Pioffet n’hésite pas à se référer brièvement au célèbre livre de Las Casas. Elle se réjouit même de constater que Sagard juge qu’au Canada, l’amitié pour le prochain, chez ceux qu’on appelle à l’époque les « païens », est « plus sincère que celle de la plupart des chrétiens ».
Inspiré par l’Antiquité hellénistique, l’érudit Sagard, par ses comparaisons lointaines, quoique fragiles, séduit l’historienne. Elle va jusqu’à estimer que « son éloge de la sagesse païenne et amérindienne traduit chez lui un désir de réformer la chrétienté ». L’impressionne, chez Sagard, « la conception pessimiste de la
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