Dans son dernier recueil, Les visages de la terre, Louis-Karl Picard-Sioui a écrit, pour la première fois, 15 poèmes en wendat. « Je ne les ai pas traduits, je les ai écrits directement en wendat », dit l’écrivain et dramaturge, qui est aussi directeur du Salon du livre des Premières Nations, qui se déroule jusqu’au 20 novembre à Québec. « Cela m’a pris deux semaines à temps plein pour chaque poème. »
Langue en dormance depuis plus d’un siècle, le wendat refait son apparition dans la communauté de Wendake, notamment grâce au programme Yawenda, qui signifie « voix », que l’écrivaine, ethnologue et animatrice Isabelle Picard a lancé en 2007 avec le directeur de l’école primaire de Wendake de l’époque, Yves Sioui, et l’anthropologue professeur de l’Université Laval Louis-Jacques Dorais.
Jeudi soir, sur la scène de la salle Multi, les mots en wendat de Louis-Karl Picard-Sioui faisaient partie de Kwatendotonnionhk, le spectacle d’envoi du Salon du livre des Premières Nations.
Ce salon, qui célèbre sa 11e édition cette année, témoigne de la vitalité de la littérature autochtone. Et Louis-Karl Picard-Sioui, qui aime expérimenter, apprécie la flexibilité de ce salon spécialisé, qui accueille une vingtaine d’auteurs, des plus connus aux nouveaux venus. « Il y a un axe plus expérimental », dit-il, mentionnant notamment la pièce conçue à partir du roman Bienvenue, Alyson, de l’autrice innue J.D. Kurtness, créée spécialement pour le Salon. « C’est une novella très punk », dit-il au sujet de ce livre, qui mêle les extraterrestres et les champignons psychotropes à une histoire de disparition et de fin du monde à Alma.
On rencontre donc dans cet événement, qui se déploie notamment à la Maison de la littérature et au Morrin Centre, des auteurs aux profils extrêmement variés.
La fin d’un monde
Très digne avec sa longue chevelure grise, Raphaël Picard, qui a longtemps été chef de la communauté innue de Pessamit, y présentait les deux romans qu’il a publiés à compte d’auteur, Nutshimit, vers l’intérieur des terres et des esprits, et Nutshimit, le blanc des perdrix et des périls. « Nutshimit intègre tous les éléments de la nature, les rivières, la flore, la faune, le ciel, les ressources. Tout ce qu’il y a pour survivre. C’est ce qu’on appelle le cadre supérieur du droit ancestral », explique-t-il.
Ces histoires, elles lui sont venues de sa fréquentation, il y a bien des années, de la fin d’un monde. « Moi, j’ai été témoin d’un monde qui a renversé, qui s’est modifié dans les années 1950. Je voyais le monde de nos parents, nos grands-parents, se transformer. L’industrialisation arrivait, et on était à la porte d’une autre vie, d’une autre société. Moi, j’avais la chance de voir ce monde-là, l’ancien monde, de mes parents et de mes grands-parents, et des grands chefs de territoire traditionnels. »
Pour sa part, Isabelle Picard vient de faire paraître Nish tome 2. Les aurores boréales, qui s’adresse aux jeunes de 10 à 12 ans. En entrevue avec Sylvie Nicolas, elle donnait des précisions, vendredi matin, sur cette histoire de jumeaux qui doivent quitter leur communauté de Matimeksuhm, près de Schefferville, pour aller vivre à Wendake. La série Nish pourrait bientôt être portée à l’écran. Un autre échange a porté sur le nouveau livre de Myriam St-Gelais, Une histoire de la littérature innue, paru chez Imaginaire Nord en collaboration avec l’Institut Tshakapesh.
Pour Louis-Karl Picard-Sioui, le Salon du livre des Premières Nations poursuit son rôle de phare dans l’émergence et le développement de la littérature autochtone. À ceux qui lui demandent s’il y a toujours lieu de tenir ce salon du livre spécialisé, alors que la littérature autochtone est en pleine effervescence, il répond : « Tout ce que je peux vous dire, c’est que nous sommes un phare dans la nuit, et que tant que la lumière sera allumée, on sait qu’il y aura de la place pour la littérature des Premiers Peuples. »
À voir en vidéo
[...] continuer la lecture sur Le Devoir.