Paru en premier sur (source): journal La Presse
Tout commence par de petites vacances tranquilles dans un camping au bord d’un lac. Puis un incident, suivi d’un autre, crée un effet domino qui transforme le rêve en cauchemar. Bienvenue dans le nouveau roman d’Andrée A. Michaud, Baignades. Un suspense anxiogène qu’on lit en se rongeant les sangs, par moments.
Publié à 1h30
Mis à jour à 8h00
La forêt est souvent effrayante dans les romans d’Andrée A. Michaud. Il suffit qu’on pense à Bondrée ou à son plus récent Proies, qui vient d’ailleurs de remporter le prix Rivages des libraires, en France, tout comme Bondrée. Une première, puisque cette récompense (qui propose à près d’une centaine de libraires d’un peu partout dans le monde de voter pour le meilleur polar) n’avait jamais été décernée deux fois à un même auteur.
« Ce n’est pas un prix qui a une importance capitale, mais pour moi, c’est un prix qui me fait très chaud au cœur parce que les libraires lisent beaucoup de livres », souligne l’autrice, qui était de passage à Montréal pour la sortie de Baignades, arrivé en librairie depuis quelques jours.
Son nouveau roman est né d’une « anecdote », qui lui a été racontée par des amis : « La petite fille qui se baigne nue, le propriétaire du camping qui arrive en colère et qui dit aux parents de rhabiller cette enfant-là ou d’aller camper ailleurs », dit-elle. C’est ce paragraphe, le tout premier du roman, qui a servi de point de départ à ce qui devient rapidement une psychose en pleine nuit, dans le bois.
Comme je dis toujours, ce sont les humains dans la forêt qui peuvent être dangereux.
Andrée A. Michaud
« La forêt elle-même est inoffensive », insiste l’autrice, qui habite depuis des années en campagne, en Estrie. « Entourée d’arbres et de ratons laveurs et de chevreuils », ajoute-t-elle en riant.
Mais la nuit – « royaume des illusions », comme elle l’écrit dans Baignades –, il y a cette atmosphère, ces bruits qu’on n’arrive pas à identifier « parce qu’on ne voit pas grand-chose ». « Que ce soit en campagne ou ailleurs, c’est toujours un moment qui suscite davantage la peur que le plein jour », dit Andrée A. Michaud à mi-voix, comme si son esprit imaginait déjà ces lieux obscurs qui servent fréquemment de décor à ses suspenses.
Au-delà du polar
Durant cette nuit d’enfer que vont vivre Max, Laurence et leur fille Charlie – qui se retrouvent pris « un peu comme dans une souricière » dans la forêt, note l’autrice –, on entre également dans la tête du « méchant ».
Andrée A. Michaud concède qu’elle utilise les codes du polar dans la construction de ses romans, dont le rythme s’apparente sans aucun doute à celui du thriller. Mais elle préfère éviter les étiquettes « trop fortes » qui font fuir certains lecteurs, à son avis. « Je pense que j’excède le polar traditionnel ; j’essaie d’aller plus loin, entre autres [en effectuant] un travail sur la langue qui est important chez moi. »
Sans en dévoiler trop, Baignades nous entraîne également sur un autre terrain dans la deuxième partie du roman. « Il y a longtemps que je voulais écrire sur une famille, confie Andrée A. Michaud. Bon, dans beaucoup de mes romans, il est question de famille, mais je ne rentre pas vraiment dans son intimité. »
Je voulais parler d’un noyau familial tissé serré, qui a connu ses drames, mais qui s’en est quand même plus ou moins bien sorti. En même temps, il suffit d’une secousse un peu plus forte que d’autres pour que tout ce bel équilibre se brise.
Andrée A. Michaud
L’écrivaine explique qu’elle déploie l’intrigue au fil de l’écriture, ne travaillant jamais sous la contrainte d’un plan. « Mais j’avoue que plus j’avance dans ma carrière, plus le doute prend de plus en plus de place parce que je suis beaucoup plus consciente de ce que je fais. Je ne veux pas me trahir, je ne veux pas trahir mes récits. »
Fait inusité, confie-t-elle, elle n’a pas encore réussi à commencer un nouveau roman. « Normalement, je devrais déjà être dans un autre texte et là… j’attends. Comme je dis à la blague, j’attends une illumination. Je ne veux pas écrire sur n’importe quoi. Des sujets, j’en ai des dizaines ; des débuts de romans, j’en ai un tiroir plein. Mais si je ne les ai pas poursuivis, c’est parce qu’il y a quelque chose qui me plaisait moins. Alors je ne vais pas reprendre une vieille idée que j’ai laissé tomber pour différentes raisons, juste pour dire : il faut que j’écrive. »
« Je m’inquiète un peu, avance-t-elle, mais pas plus que ça. Ça va sûrement venir. » Parce que parfois, il suffit d’une seule image. Une image vraiment forte, qu’elle laisse ensuite mûrir quelque temps. « Et puis tout à coup, ça se met en place », dit-elle en retrouvant le sourire.
Baignades
Québec Amérique
312 pages