Paru en premier sur (source): journal La Presse
Nos critiques de bandes dessinées d’ici et d’ailleurs
Publié à 1h11
Mis à jour à 18h00
Odyssée fantastique
L’illustrateur Edel Rodriguez, ancien directeur artistique du magazine Time, propose ici un récit autobiographique qui plonge au cœur de la révolution cubaine de 1959 et des décennies suivantes. Son titre – Worm (ver ou vermine) – est inspiré du nom que Fidel Castro donnait aux Cubains jugés insuffisamment révolutionnaires qui cherchaient à fuir l’île et le régime communiste qu’il y avait instauré. Rodriguez, né en 1971, a grandi dans un bonheur certain, mais sans l’insouciance associée à l’enfance tant chacun à Cuba se méfiait de son voisin. Dans un tel régime, personne n’est à l’abri d’une dénonciation. Cette peur demeure chevillée à lui, même des années plus tard, alors qu’il a fait sa place aux États-Unis où sa famille s’est réfugiée au début des années 1980. Edel Rodriguez signe ici un récit foisonnant, éclairant, dans un style percutant, habité principalement par les couleurs de la terre et du sang.

Worm
BayardGraphic
304 pages
SF décontractée
Des humains rassemblés dans des mégapoles après un conflit nucléaire, des robots gardiens d’enfants, des voyages dans le temps, les ingrédients de base de la série Moon n’ont rien de bien original. On retrouve dans cet univers un trio d’enfants qui, une fois de plus, se retrouve chez le directeur : Cleo, Alex et Emily. Deux sœurs et un frère qui, on le verra bientôt, vivent avec une mère et un père assez absents… Complices des auteurs, les lecteurs apprendront vite que ceux-ci pourchassent des voyageurs temporels, alors que leurs enfants les croient fonctionnaires. Ce qui fait le charme de cette série, c’est le mélange des genres : entre science-fiction et aventure médiévale (du moins dans ce tome-ci), entre espionnage et conflits familiaux, entre récit épique et histoire intime. On ne crie pas au génie, mais la manière est efficace et le ton, grâce aux ados, est décontracté.

Moon – Une balle pour un croisé
Anspach
72 pages
Quête métaphysique intime
Neuf est aussi un récit basé sur les voyages temporels imbriqué dans l’histoire personnelle de son personnage principal. Fils d’astronaute, Johnny Hubel est traumatisé par la mort de son père lors du décollage d’une navette qui ressemble fort à Challenger, qui a explosé en 1986. Sa vie durant, il cherchera à retrouver ce père perdu, devenant lui-même un explorateur spatial aux capacités exceptionnelles et qui semble même avoir la faculté de voir l’avenir… Il y a dans Neuf des éléments presque ésotériques (il cite Barjavel), une évocation du triangle des Bermudes et un petit quelque chose d’Interstellar, de Christopher Nolan, dans sa façon de jouer avec le temps et les théories astronomiques. On aura compris que c’est un récit touffu, parfois confus, mais on se laisse volontiers mener par le bout du nez parce que le scénario dose très bien les mystères et que les compositions et les couleurs surprennent l’œil, malgré la facture généralement classique.

Neuf
Dargaud
88 pages
Nouvelle folie de Sfar
Le prolifique Sfar revient à la « fantaisie héroïque » avec Reines & Dragons – La petite reine, aventure rocambolesque (évidemment) et ponctuée de cet humour à la frontière de l’absurde qu’on lui connaît. L’épopée débute une nuit de grand incendie. Le château brûle et les parents de la princesse aussi. Elle doit filer, faisant de son mieux pour échapper aux monstres qui viennent de prendre d’assaut sa chambre, jusqu’à croiser le mage de ses défunts parents qui lui offre un présent apparemment précieux : une bicyclette… Élevée avec le souci d’une bonne éducation, cette princesse peu adaptée à la dure vie de la forêt trouvera son chemin jusqu’au dragon du titre. Avec qui elle fera un pacte. L’inimitable patte de Joann Sfar fait vibrer cette histoire incroyable (dans tous les sens du terme) dynamisée par des couleurs brûlantes. Un bon Sfar, en somme.

Reines & Dragons – La petite reine
Dargaud
48 pages