Paru en premier sur (source): journal La Presse
Publié à 12 h 30
Poésie percutante
Il faut du cran pour raconter une histoire aussi intime que celle vécue par la bédéiste belge Alix Garin. Alors qu’elle était au début de la vingtaine, elle a commencé à souffrir de douleurs vaginales lorsqu’elle faisait l’amour. Commence alors pour elle une quête : d’abord comprendre ce qui lui arrive (on ne parle pas souvent de vaginisme) et comment se guérir, physiquement et psychologiquement, ce qui passera par une réinvention de sa sexualité et de sa façon de vivre ses relations. Impénétrable marque par sa franchise et par sa grande portée poétique. Alix Garin utilise ici à fond les possibilités de son art pour transmettre ses douleurs comme ses bonheurs en des images fabuleusement évocatrices et un découpage tout autant évocateur. Cette jeune femme maîtrise et transcende les codes de son art. Alix Garin dit avoir été très marquée par la lecture de Dessiner encore, de Coco, et c’est vrai qu’on trouve dans Impénétrable une puissance semblable à celle de la survivante de Charlie Hebdo.
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Impénétrable
Le Lombard
299 pages
Constat sans appel
Ce livre aurait bien pu être publié par l’éditeur Écosociété. Comment les riches ravagent la planète constitue une charge appuyée contre les effets pervers et néfastes du capitalisme outrancier et l’injustice qu’il impose à la population mondiale : une faible proportion de nantis mène en effet un train de vie absolument impossible à soutenir et se pose en modèle pour le reste des humains qui n’aspirent qu’à les imiter. Où cela mène-t-il ? Tout droit à la catastrophe. Ces nantis ne sont pas que les richissimes oligarques qui se promènent en jet privé et se font construire des yachts de 400 millions, mais aussi une grande partie des citoyens de la classe moyenne d’Europe et d’Amérique du Nord… Autrement dit, ce livre nous concerne tous. Comment les riches ravagent la planète est un exposé habilement mené en mots et en images, et un plaidoyer convaincant pour ce mot honni par les économistes : la décroissance. Instructif et dérangeant.
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Une fausse histoire révélatrice
Il est toujours difficile de prévoir l’intérêt que suscitera une série. Mille femmes blanches a toutefois un bon atout : un synopsis intrigant. Inspirée d’un roman de l’écrivain Jim Fergus, la série racontera un épisode fictif de l’histoire américaine voulant que 1000 femmes blanches aient été envoyées dans l’Ouest pour épouser des Cheyennes en échange d’autant de chevaux. Ce pacte entre un chef autochtone et le gouvernement américain n’a jamais eu lieu, mais il sert de prétexte à parler de la condition féminine au XIXe siècle et bien sûr des préjugés envers les premiers peuples. Parmi ces femmes incitées à faire ce geste patriote se trouve la narratrice, qui avait été enfermée dans un asile pour avoir aimé un autre homme que celui que sa famille lui destinait. Le ton a quelque chose de naïf, le trait aussi, mais la peinture d’époque est réussie.
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Mille femmes blanches
Dargaud
56 pages
Chapeau, cow-boy !
Le fardeau de conserver l’esprit d’une série comme Lucky Luke ou Astérix revient en grande partie au scénariste. Avec Un cow-boy sous pression, Jul signe une histoire qui a de l’élan, une fois de plus portée par le trait du dessinateur Achdé, toujours fidèle à l’univers développé par Morris. Cette fois, le célèbre cow-boy se retrouve à Milwaukee où il tente un peu malgré lui de régler une grève de travailleurs brassicoles qui assoiffe le Far West où il a ses habitudes. Ce synopsis est le prétexte à explorer l’héritage allemand des États-Unis, notamment à travers ses barons de la bière. Jul s’en amuse en multipliant les jeux de mots, les clins d’œil (entre autres aux slogans de Mai 68), à la Seconde Guerre mondiale et à des figures politiques. On croise ainsi dans ces pages inspirées un Eisenhower encore enfant et un tenancier de bar au commerce peu élégant qui s’avère être l’ancêtre de la famille Trump… On sourit et, parfois, on rit jaune.
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Un cow-boy sous pression
Lucky Comics
48 pages