Paru en premier sur (source): journal La Presse
Christine Angot s’ajoute à la bonne vingtaine d’écrivains – parmi lesquels Leila Slimani, Lola Lafon, Kamel Daoud et Enki Bilal – qui ont collaboré à la collection Ma nuit au musée. Le concept : un auteur passe une nuit dans un musée, puis écrit un texte inspiré par son expérience. Mais Angot étant Angot, ça ne se passe pas tout à fait comme ça…
Publié à 7 h 00
Christine Angot avait choisi de passer la nuit à la Bourse de commerce – Pinault Collection, un musée d’art contemporain qui abrite la collection du richissime homme d’affaires François Pinault. L’édifice circulaire – une ancienne halle aux blés qui a subi une rénovation spectaculaire – a ouvert ses portes dans le 1er arrondissement de Paris en 2021, après plus de trois ans de travaux durant lesquels on a inséré, au cœur du musée, un cylindre de béton géant conçu par l’architecte japonais Tadao Ando.
On y retrouve une collection pointue et des expositions qui se distinguent de celles, plus grand public, de la Fondation Louis Vuitton, financée par un autre richissime homme d’affaires, Bernard Arnault.
Voilà pour le lieu, qui n’est pas étranger au propos que Christine Angot tient dans ce roman qui parle de son lien à l’art, oui, mais aussi d’élitisme, d’argent et de consentement.
Au départ, Angot souhaite passer cette nuit au musée en compagnie de sa fille Léonore, qui a étudié en arts. C’est elle, la connaisseuse, et ça promet d’être un beau moment mère-fille. Mais la nuit ne se passe pas exactement comme prévu. L’écrivaine n’aime pas être contrainte. À 1 h du matin, elle et sa fille plient bagage devant un gardien de sécurité ahuri.
Malgré tout, Angot remplit la commande.
Car elle utilise le prétexte de cette collection pour parler de sa relation au monde de l’art, et au monde tout court. Et c’est fascinant, vu l’intelligence et le sens de l’observation aigu de l’autrice.
On y apprend ainsi que pendant plusieurs années, elle a gravité autour de Sophie Calle, grande vedette du monde de l’art contemporain. Angot faisait partie de l’entourage de l’artiste, sans toutefois jamais réussir à développer une relation d’amitié très profonde.
Cet univers de faux-semblants, de dîners mondains et de jeux de coulisses compose la toile de fond du roman dont le véritable propos est beaucoup plus intime.
C’est la réflexion de l’autrice sur sa place dans le monde, sur son évolution d’écrivaine, sur son rapport aux attentes, à ce qui lui est imposé.
Oui, on revient encore à l’inceste, mais par un autre chemin. Christine Angot réussit à en parler différemment, avec une certaine distance qui laisse place à quelque chose de très fort et très vivant. Une sorte de déclaration d’amour à l’écriture et à la liberté. Et c’est à la fois brillant et émouvant.

La Nuit sur commande
Stock
161 pages