Tout lire sur: L'actualité culture
Source du texte: Lecture
Un extrait du livre Lʼhabitude des ruines : Le sacre de lʼoubli et de la laideur au Québec
Même si je suis plutôt mécréante, du genre baptisée à l’eau bouillante, j’ai toujours trouvé qu’il y a quelque chose de touchant dans les croix de chemin. Une sorte d’évidence silencieuse. Un ancrage modeste et fragile dans la trame du paysage. Elles agissent comme de puissantes images, comme des images élémentaires, du décor de toute enfance rurale. Il est rassurant de les savoir plantées là, persistant dans le temps depuis une époque antérieure à notre mémoire. Certaines sont un peu penchées, souvent mal attifées, plantées aux carrefours des chemins ou encore au milieu de nulle part, un peu rongées par le paysage ambiant. Comme chez Gabrielle Roy, pour qui la croix de chemin, emportée par les flots du progrès, a quelque chose d’un peu risible. Ainsi, dans Alexandre Chenevert : « Un Christ surgit au bord du chemin national. Il était relié par des fils électriques à un poteau de l’HydroQuébec. Au dos, il portait tout un appareil à demeure : câbles tressés, filins, une boîte à fusibles sans doute. Alexandre se demanda s’il n’y avait pas aussi un compteur enregistrant le nombre de kilowatts que le Christ pouvait consommer, la nuit, lorsqu’il devait être allumé ; si le Christ s’allumait automatiquement ou, ce qui paraissait plus probable, si quelqu’un du voisinage venait à heure fixe pousser quelque levier de l’appareil.»
Ce Christ grotesque, tiré de force du côté de la modernité, évoque cette histoire rapportée à l’été