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«Correction automatique»: les mondes parallèles d’Etgar Keret

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Dans les histoires d’Etgar Keret, à sa façon est partout et nulle part. La réalité y est une chose instable, légèrement corrompue, qui distille le doute.

Écrivain à succès, auteur bédés et cinéaste né en 1967 à Tel-Aviv, en , porte-voix et coqueluche de toute une génération, Etgar Keret est considéré comme l’un des meilleurs nouvellistes de ce mouchoir de poche coincé entre terre et mer.Entre la crainte radicale des attentats kamikazes, un sentiment tenace d’usurpation, la culpabilité latente ou le nationalisme excessif, on imagine parfois mal tout ce que cette réalité implique d’exil permanent, de folie et de fausses certitudes — et aussi de culpabilité pour une certaine partie de la population.

À petits coups de réalisme magique et d’absurdité au quotidien, avec une veine nettement ïenne, Keret exprime à sa manière cette crise irrévocable de la conscience israélienne. Dans Un homme sans tête et autres nouvelles (Actes Sud, 2005) : « Ce pays est le noir qui se dépose sous les ongles du occidental, il se prend pour l’Europe mais il n’est qu’un amas de sueur et de crasse doué de conscience. »

Une réalité qu’Etgar Keret, avec ses histoires absurdes, toujours tendues et légèrement décalées, continue à sa façon d’explorer avec Correction automatique, son dernier recueil de nouvelles. Trente-trois textes qui font une large place aux nouvelles (et aux futures) technologies.

Dans son premier roman, La colo de Kneller (Actes Sud, 2001), il racontait la quête d’un jeune suicidé pour retrouver la femme qu’il aimait avant sa mort, errant dans une sorte de purgatoire israélien et absurde — une sorte de Club Med — où ne vivent que des suicidés.

Cette fois encore, Dieu, les extraterrestres et la mort sont partout. On se suicide beaucoup dans les histoires d’Etgar Keret — par pendaison ou défenestration. Il existe d’autres mondes, pas forcément meilleurs, mais qui nous font douter du nôtre. Les personnages passent d’une dimension à une autre en un clic. Le temps est malléable. Un cinéaste, par exemple, peut entreprendre un film dont le tournage va durer le temps d’une vie humaine (« La version du réalisateur »).

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Venus d’un monde parallèle où tout est identique à la Terre sauf un élément, les participants d’un jeu téé, Vive la petite différence, doivent trouver l’unique chose qui n’existe pas dans leur monde (« Un monde sans perches à selfie »). Une réflexion déjantée sur le couple et sur la spiritualité. Ailleurs, sur une planète Terre dépeuplée et dévastée, des extraterrestres débarquent régulièrement en groupe pour se faire avant tout raconter l’histoire de Roméo et par un couple de survivants (« Voyage organisé »).

Comme la spiritualité, le couple est lui aussi en crise, prêt à voler en éclats. Sur Tinder, un homme qui dit être é développe une « relation sérieuse » avec une femme qui en tombe amoureuse (« Gondole »). Sur une application de réalité virtuelle, des utilisateurs interagissent avec des avatars qui eux-mêmes vivent dans la réalité virtuelle, à la façon vertigineuse de poupées gigognes (« Le point de non-retour »).

Chez Keret, il faut le croire, rien n’est

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