Paru en premier sur (source): journal La Presse
L’autrice du roman Les furies, encensé par Barack Obama il y a quelques années, plonge dans l’histoire coloniale du continent à travers l’histoire exceptionnelle d’une femme sans nom.
Publié à 12 h 30
Dans les contrées nouvellement découvertes de ce qui est aujourd’hui la Virginie, celle-ci s’enfuit d’un fort anglais en pleine nuit et entame une course effrénée à travers les bois. Que fuit-elle avec tant de frayeur, au cœur de l’hiver, sans rien d’autre que ses jambes pour la porter et le ventre affamé ?
C’est ce que Lauren Groff entreprend de nous raconter au fil de ces pages au rythme envoûtant, parfois même essoufflant. Pendant des jours, cette jeune fille qui a grandi dans un asile de pauvres, et qui n’a jamais eu d’autre nom que les appellations cruelles dont on l’a affublée depuis son enfance, apprend à survivre. À s’abriter. À se nourrir. Seule dans ces forêts hostiles où l’on ressent, comme si on les vivait, sa faim douloureuse, ses membres engourdis par le froid, les élancements de son corps, sa terreur constante.
Tandis qu’elle avance sans relâche, apercevant à distance sur son chemin des membres de ces tribus décimées par les siens, sa tête s’emplit des souvenirs de sa vie malheureuse, jusqu’à la traversée éprouvante vers le « nouveau monde » et aux circonstances qui l’ont amenée à fuir le fort.
On se laisse porter par l’écriture d’une grande beauté, magnifiquement traduite de surcroît, mais c’est une lecture exigeante malgré tout, puisqu’on avance de concert avec la douleur de cette femme qui, comme tant d’autres, a connu la misère d’une vie anonyme au service des autres sans jamais avoir droit au moindre répit.
Les terres indomptées
Alto
240 pages