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Critique de Retour à Belfast | Des cicatrices encore béantes

Paru en premier sur (source): journal La Presse

On ne lit pas souvent des plumes qui évoquent « les Troubles » – le conflit nord-irlandais – du point de vue de la génération qui était trop jeune pour les avoir vécus. Mais dans les quartiers ouvriers de Belfast, plus de 20 ans après l’accord de paix signé en 1998, la mémoire de cette période de violences entre catholiques et protestants est encore vive, même si on ne parle que très peu de tout ce qui s’est passé durant ces années-là.


Publié à 7 h 30

Ce premier roman de Michael Magee, né en 1990 à Belfast, explore la notion de traumatisme transgénérationnel sans directement la nommer, à travers l’histoire de Sean Maguire, un personnage inspiré en grande partie de sa propre vie.

Nous sommes dans les années qui ont suivi la crise économique, quelque part après 2008, lorsque celui-ci retourne dans sa ville natale après des études en littérature à Liverpool. Il squatte avec son ami d’enfance dans un appartement sans eau chaude ni chauffage, travaille dans un bar, et passe ses nuits à boire et à s’enfiler des lignes de coke dans des fêtes qui s’étirent jusqu’au lendemain. « Sans aucune perspective et sans pouvoir espérer quoi que ce soit », admet-il lui-même. La plupart de ses amis sont partis en Australie, et c’est la seule issue qui semble s’offrir aux jeunes de leur milieu.

Un de ces soirs de beuverie, Sean agresse un jeune homme issu d’un quartier plus aisé que le sien et qui décide de porter plainte contre lui. Il est alors condamné à effectuer 200 heures de travaux communautaires et finit par retourner vivre chez sa mère, qui survit tant bien que mal en faisant des ménages à gauche et à droite.

C’est à partir de ce moment-là que ce roman prend tout son sens, alors qu’on découvre à quel point les Troubles ont laissé des séquelles importantes dans les quartiers les plus pauvres de Belfast. Entre Sean et sa mère s’ouvre une porte sur tous ces incidents dont il n’a jamais rien su, alors que celle-ci replonge dans ses souvenirs pour la première fois et lui raconte comment elle s’est retrouvée seule, avec des enfants en bas âge, à être obligée de cacher des armes ou encore à se barricader chez elle en priant pour que les soldats britanniques ne forcent pas la porte d’entrée.

Retour à Belfast a cela d’unique qu’il raconte un point de vue inédit, celui d’un milieu qui n’a jamais eu voix au chapitre et dans lequel la littérature nous permet d’entrer de la même façon que le cinéma du Britannique Ken Loach. C’est aussi un message teinté d’espoir, très dans l’air du temps, qui montre qu’il n’est pas impossible de s’extraire de sa condition à force de détermination. Vivement un deuxième roman pour ce jeune auteur prometteur.

Retour à Belfast

Retour à Belfast

Michael Magee (traduit de l’anglais par Paul Matthieu)

Albin Michel

418 pages

8/10

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