Paru en premier sur (source): journal La Presse
À quel moment devient-on réellement adulte ? Pour Richard, un jeune Métis franco-manitobain, la mort imminente de son grand-oncle Alfred, qui a toujours été comme un grand-père pour lui, réveille le passé, remet en question le présent et le force à regarder l’avenir.
Publié à 11 h 30
Tout en prenant conscience qu’à un moment donné, « les choses avaient mal tourné » pour lui, il conduit le camion de pompage de son oncle pour nettoyer les fosses septiques des maisons de la région ; se demande ce qui le retient à ce territoire auquel il s’est si profondément attaché, incapable de suivre celle qu’il aime, partie étudier en ville.
Les souvenirs de son grand-oncle refont surface, tout comme les récits fragmentés de sa famille déracinée, qui a trouvé refuge dans une enclave catholique francophone le long de la rivière Rouge, non loin de Saint-Boniface – récits auxquels il n’avait jamais porté attention auparavant.
Dans un brillant mélange de français, de franglais et de mitchif (langue parlée par les Métis, savamment adaptée par la traductrice Luba Markovskaia), on découvre avec lui comment les siens ont longtemps trimé pour trouver du travail ou même ouvrir un compte en banque, contraints de taire leur langue, intimidés, ostracisés, « et d’autres choses encore que [pépère] n’osait pas dire ». C’est pour lui une véritable révélation, qui le mènera sur les traces de ses propres questionnements identitaires.
Inspiré de l’expérience de l’auteur, professeur d’études autochtones à l’Université du Manitoba qui a grandi à Sainte-Anne-des-Chênes, ce premier roman nous entraîne sur des sentiers qui n’avaient pas encore été défrichés, nous offrant ce que la littérature réussit à faire le mieux : donner une voix à ceux qui se sont trop longtemps retenus de parler.

Tiens ta langue
La Peuplade
440 pages