
Tout lire sur: Véronique Cloutier Livres
Source du texte: Lecture
Virage à 180 degrés
À entendre Suzie parler de son parcours, on pourrait croire qu’elle évolue dans le milieu télévisuel et médiatique depuis des décennies. Pourtant non: ça fait seulement un peu plus de cinq ans qu’elle se consacre corps et âme aux métiers de scénariste, d’humoriste et de chroniqueuse… qui lui vont comme un gant. Tout un revirement de situation pour cette ancienne avocate en litige !
«Je travaillais en droit et je jouais encore à la Ligue nationale d’improvisation (LNI) et à la Ligue d’improvisation montréalaise (LIM). J’ai pris conscience que j’avais dépassé 30 ans et que je n’avais pas encore arrêté mon activité parascolaire», s’amuse Suzie, qui s’adonne à l’impro depuis son secondaire. «Certaines personnes pensent que c’est la plaidoirie qui m’a menée à la scène, mais en réalité, c’est l’impro.»
Avocate le jour, improvisatrice le soir, la jeune femme reçoit de plus en plus de propositions de ses amis acteurs et actrices, qui la contactent principalement pour des projets d’écriture. «Avant même que je quitte le droit, Pierre-Luc Funk m’a approchée pour que je l’aide sur une émission jeunesse, Les suppléants. Florence Longpré a fait appel à moi pour coscénariser Le temps des framboises et Anne-Élisabeth Bossé souhaitait que j’écrive des blagues avec elle pour sa soirée Carte Blanche Juste pour rire. Oui, on peut dire que les amis avec qui je faisais de l’impro ont vu mon potentiel avant moi.»
Très en demande, Suzie décide donc de s’accorder un an de pause de sa vie juridique pour aller voir ailleurs si elle y est. «Dans ma tête, j’étais en année sabbatique, alors je n’avais rien à perdre. Je me pitchais partout, je voulais tout essayer: la scénarisation, la radio, les soirées d’humour. Tout ça s’est passé en même temps. J’avais une espèce de sentiment d’urgence, comme pour rattraper le temps perdu.»
C’est d’ailleurs à cette époque, en 2018, que j’ai fait la connaissance de Suzie, derrière un micro à ICI Radio-Canada Première, dans le cadre de l’émission Faites du bruit, animée par Nicolas Ouellet. Dès ses premières chroniques, nous étions plusieurs à réaliser que nous assistions en direct au début d’une carrière prolifique. Intelligence, répartie, esprit, humour: Suzie attire vite l’attention de l’équipe de La soirée est (encore) jeune – devenue La journée (est encore jeune) –, émission à laquelle elle collabore toujours, d’ailleurs.
Dès lors, Suzie se rend à l’évidence: les arts la rendent plus heureuse que le droit. «Quand j’ai quitté mon emploi, dit-elle, je me suis sentie accueillie par le milieu artistique. Les gens m’ont rapidement proposé des projets et j’avais un beau réseau de contacts, surtout grâce à l’impro. J’avais semé beaucoup de graines avant de faire le grand saut. Je ne sais pas si j’aurais eu le même courage en partant de rien.»
Suzie a-t-elle fait le bon choix ? Il suffit d’éplucher son CV pour s’en convaincre. En très peu de temps, des gros noms de l’industrie télévisuelle québécoise viennent cogner à sa porte. Guy A. Lepage lui propose de collaborer à l’écriture de la nouvelle mouture d’Un gars, une fille. La boîte de production de Louis Morissette, KOTV, l’invite à écrire pour la série L’œil du cyclone, alors que Jean–Philippe Wauthier lui fait une place sur le plateau de Bonsoir bonsoir ! Et dès 2021, l’équipe du Bye Bye lui confie l’écriture de numéros pour la mythique émission de fin d’année. «C’est certain que ces mains tendues sont très valorisantes et valident ma réorientation», confirme Suzie, qui n’est toutefois pas imperméable au syndrome de l’imposteur. «En droit, tu fais ton barreau, puis tu as un papier qui certifie que tu es qualifiée pour exercer ton métier. En télé ou en humour, c’est beaucoup plus flou.»
Si, au départ, c’est l’écriture qui a fait pencher sa balance professionnelle, la scène s’est vite taillé une place de choix dans son agenda. «On m’a fait réaliser que le stand-up, c’est la façon la plus directe de montrer aux gens que tu es drôle», explique l’habituée des soirées d’humour de la métropole. Elle mentionne au passage que ses chroniques à La journée (est encore jeune) – qui lui ont valu une nomination au Gala Les Olivier 2024, dans la catégorie Capsule ou sketch radio humoristique de l’année pour le segment Combat de wokes: Édition vacances, aux côtés de la journaliste Vanessa Destiné –, ont un rôle à jouer dans l’engouement pour son spectacle d’humour solo. «La radio a été un bon catalyseur pour me faire connaître.»
Celle qui ne pensait pas forcément à monter sur scène et se voyait plutôt dans l’ombre qu’offre le métier de scénariste réalise qu’on ne peut jamais complètement prédire l’avenir. «Je disais aussi que je ne me lancerais jamais dans le jeu: il faut croire que j’ai menti !» ajoute-t-elle avec un grand sourire.