Dans la poche – Numéro 150

Dans la poche – Numéro 150

 

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À chaque édition de la revue Les libraires, nous vous proposons une sélection de livres qui se glissent facilement dans votre poche. Petit prix et petit format, certes, mais de grandes découvertes et de belles plumes!

Dans la poche – Numéro 150Les yeux de Mona
Thomas Schlesser, Le Livre de Poche, 584 p., 19,95$
Mona, 10 ans, se retrouve soudain plongée dans un noir total. Alors qu’elle n’a encore rien vu de la vie, ses épisodes de cécité, de plus en plus fréquents, menacent de l’enfermer définitivement dans l’obscurité. Plutôt que de la confier aux soins du pédopsychiatre comme l’a conseillé le médecin, son grand-père adoré, Dadé, décide de prendre les choses en main et de lui faire découvrir toute la beauté du monde avant qu’il ne soit trop tard. Ainsi s’amorcent de longues visites au musée qui offrent la chance à Mona, ainsi qu’aux lecteurs, de découvrir les splendeurs de cinquante-deux chefs-d’œuvre. Véritable initiation à l’histoire de l’art, ce roman est avant tout une histoire de transmission : celle d’un lien fort et sincère entre un grand-père et sa petite-fille, parfois plus bouleversant encore que les tableaux des grands maîtres.

La Perse antique
Philip Huyse, Tallandier, 380 p., 19,95$
La Perse, pour la plupart des Occidentaux, se limite presque à une série de clichés : l’image même d’un empire despotique et « efféminé », la figure d’un impérialisme avide que les Grecs, tout de virilité martiale, ont su repousser (mais de justesse) à Marathon, aux Thermopyles et à Salamine ou à Platée. C’est aussi le cliché du colosse aux pieds d’argile, mais aux armées innombrables et aux cités vastes et anciennes, que seul un géant comme Alexandre pouvait renverser. Dominée ensuite par les Gréco-Macédoniens, elle finira par devenir « l’Anti-Rome » sous les Sassanides, une terre de cavaliers et d’archers opposés aux fantassins romains. La Perse est donc une région mal connue pour elle-même. La sophistication de son administration, de son génie artistique et architectural, etc., traverse sous de multiples formes sa longue histoire. Quentin Wallut / La maison des feuilles (Montréal)

Bienvenue à Meurtreville
André Marois, Héliotrope, 192 p., 16,95$
Le village de Mandeville ne connaissant plus de renouveau depuis plusieurs années, l’économie locale est maintenant au bord du gouffre, et sa tête dirigeante, à court d’idées. Beaucoup de ceux qui y habitent s’inquiètent de ce que l’avenir peut leur réserver. À la suite d’un conseil de village démotivant, aussitôt suivi d’un accident malheureux, un membre apprécié de la communauté a soudain une illumination morbide : et si le village de Mandeville réussissait à faire parler de lui, coûte que coûte? Issu des chroniques de la Mastigouche, ce thriller expéditif va droit au but. Nous y découvrons des personnages hauts en couleur et une enquête semée d’embûches, qui font de ce roman incisif une lecture assurément divertissante! Mathieu Dallaire / Martin (Joliette)

Soigne ta chute
Flora Balzano, BQ, 120 p., 10,95$
Il y a de ces textes littéraires qui enflamment les esprits dès leur sortie et dont les braises restent incandescentes des années plus tard. C’est le cas du roman de Flora Balzano, Soigne ta chute, paru en 1991 aux Éditions XYZ, qui renaît de ses cendres à la Bibliothèque québécoise. Ce court roman, un assemblage de textes épars, fruit des pensées d’une adolescente, immigrante, désabusée, junkie et en quête d’elle-même, n’a rien perdu de sa force de frappe. Le regard sur la société québécoise y est toujours aussi frondeur. L’humour, décalé, voire caustique par moment, continue de faire vaciller le lecteur sur la corde raide de ses préjugés. À lire, encore et encore, pour (re)découvrir cette plume intranquille qui brille de pertinence.

Vie et mort de Vernon Sullivan
Dimitri Kantcheloff, Points, 148 p., 13,95$
Qui est Vernon Sullivan? Un écrivain américain né des méninges de Boris Vian! Cette magouille d’imagination avait pour but de faire mousser les ventes de son ami éditeur de la maison du Scorpion. Et après avoir été un brin rejeté par le clan Gallimard, Vian avait envie d’en découdre avec le milieu éditorial de l’époque. C’est sous ce pseudonyme qu’il écrivit le scabreux J’irai cracher sur vos tombes, dont il prétendait être le traducteur officiel. Scandales, meurtre et outrage aux bonnes mœurs, l’œuvre de Sullivan a choqué et fait couler beaucoup d’encre. Surtout quand un amant jaloux utilisera un passage de son livre comme point d’exclamation à son crime passionnel. Dimitri Kantcheloff raconte de manière lapidaire et excitante ce canular monumental, qui a largement dépassé son auteur. À mettre entre les mains des amateurs et amatrices de potins littéraires! Alexandra Guimont / Librairie Gallimard (Montréal)

Daddy Issues
Elizabeth Lemay, Boréal, 184 p., 14,95$
L’amour n’a plus rien du long fleuve tranquille qui traverse tout un pan de la littérature sentimentale. Pour notre narratrice, il n’est plus qu’un synonyme d’attente. Quatre longues années à vivre dans l’ombre du bon vouloir d’un amant, seule dans des chambres d’hôtel aussi stériles qu’anonymes. Et de cette attente éclôt une réflexion qui décortique l’émotif sous la lumière crue du réel, ramenant l’amour à un instantané de lui-même. Aucune fleur bleue ne pousse dans les marges et c’est sans doute cette absence de fioritures qui accentue l’intensité du propos de ce roman, qui trouve tout de même le moyen de poser un regard tendre sur nos fragilités.

On m’appelle Demon Copperhead
Barbara Kingsolver (trad. Martine Aubert), Le Livre de Poche, 20,95$
Le destin sait se montrer impitoyable. Une mère toxicomane, un beau-père violent, un système d’aide à la jeunesse gangréné par les abus : c’est le lourd fardeau que Demon Copperhead porte depuis qu’il a conscience du monde qui l’entoure. Depuis lors, il a appris à survivre à l’ombre des Appalaches. Grapillant les miettes de réconfort où il le peut, il trace son chemin envers et contre tous, sans véritable espoir d’échapper à ce malheur qui a pris racine dans le territoire. Double contemporain de David Copperfield, ce roman brosse un portrait saisissant de l’Amérique profonde. Il expose les injustices sociales de notre époque, où la pauvreté crasse se mêle à une misère shootée aux promesses vides et aux amphétamines.

Le compte est bon
Louis-Daniel Godin, BQ, 288 p., 14,95$
Avec un souffle surprenant ainsi qu’un rythme impressionnant, Louis-Daniel Godin accomplit un tour de force original, inventif et envoûtant dans son premier roman, Le compte est bon. Multipliant de fines observations qui reflètent l’absurdité du monde, le narrateur tricote et détricote les nombres de son enfance, comme si son adoption l’avait rendu redevable. Dans cette quête identitaire, il se remémore son histoire et se raconte dans les détails des chiffres significatifs (ou non) de son existence pour régler une dette, repartir à zéro peut-être, être quitte en quelque sorte. C’est inévitable : cette œuvre audacieuse, couronnée du prix Ringuet, nous happe en nous entraînant dans des calculs désarmants qui tiennent le compte de la vie, de sa valeur.

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