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Manifeste. « Le Sexe des femmes », d’Anne Akrich
Le sous-titre barthésien du Sexe des femmes présente ce manifeste/stand-up/vade-mecum comme des « fragments d’un discours belliqueux », et c’est bien de guerres qu’il est question : celle que les hommes font au corps des femmes pour les dominer ; celle que les femmes mènent pour sortir de cette domination. Anne Akrich raconte des événements vécus, terribles ou burlesques, fait un sort à diverses mythologies, tâtonne à la recherche de moyens pour agrandir les imaginaires, et relancer les rapports entre les hommes et les femmes en sortant des postures et des discours éternellement recommencés. R. L.
Religion. « Ali, le secret bien gardé », de Mohammad Ali Amir-Moezzi
Le schisme entre sunnites et chiites s’est cristallisé autour d’Ali ibn Abi Talib (v. 600-661), cousin et gendre du prophète Muhammad, que les chiites voient comme son successeur légitime et comme le premier imam, « symbole de l’Alliance avec Dieu ». Une conception qui heurte de front l’orthodoxie sunnite, pour laquelle Muhammad est le dernier des prophètes. D’où la distinction fondamentale, montre Amir-Moezzi dans ce livre important, entre une religion de la loi, où le texte est un legs intouchable, et une religion de l’exégèse et de l’initiation, où l’imam vivifie le texte révélé. Me. S.
Roman. « La Princesse de Zanzibar », d’Abdelaziz Baraka Sakin
Vue de l’étranger, la littérature soudanaise arabophone s’est longtemps résumée au nom de Tayeb Salih (1929-2009) et à son chef-d’œuvre Saison de la migration vers le nord (1966 ; Actes Sud, 2006). Les multiples épreuves subies par le pays ont sans doute contribué à cette méconnaissance, mais elles ont aussi forgé les générations suivantes d’écrivains, parmi lesquels Abdelaziz Baraka Sakin (né en 1963), auteur du Messie du Darfour et des Jango (Zulma, 2016 et 2020), accueillis par plusieurs prix.
Avec La Princesse de Zanzibar, traduit comme les précédents par Xavier Luffin, grand connaisseur des littératures africaines d’expression arabe, Baraka Sakin s’éloigne du Soudan, mais reste fidèle aux thèmes qui l’obsèdent et à l’écriture débridée qui lui a valu de multiples censures. Le sujet central est celui de la domination, à travers la traite esclavagiste, d’une petite élite de commerçants arabes venus d’Oman et du Yémen sur les populations d’Afrique de l’Est ; à la fin du XIXe siècle, cette domination est contestée par les puissances coloniales européennes, dont la Grande-Bretagne, qui va imposer son protectorat au sultan de Zanzibar.
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