Source : Le Devoir

On la connaît comme comédienne (Le chalet, Tu dors Nicole) — et accessoirement, comme membre de la gang de jeunes acteurs les plus en vogue du Québec —, mais c’est coiffée d’un tout nouveau chapeau que Julianne Côté se présente cette semaine, alors qu’elle s’apprête à lancer la série De Pierre en fille, dont elle signe le scénario — une première pour elle.
Librement inspirés de sa vie, les huit épisodes d’une vingtaine de minutes racontent la relation fusionnelle entre Daphnée (Julianne Côté), une jeune femme de 24 ans dont la paresse n’a d’égale que l’envie de mordre dans la vie, et son père Pierre (Patrice Robitaille), un homme chaleureux et plus grand que nature, bien déterminé à transformer une peine de cœur en occasion de renouer avec l’amour libre.
Attablée dans un café du Plateau Mont-Royal avec sa complice — et réalisatrice de la série — Marie-Claude Blouin, Julianne Côté affirme que l’écriture est un rêve qui l’habite depuis longtemps. « Rêver d’écrire, c’est facile à dire, mais très difficile à concrétiser. Lorsque le tournage du Chalet a pris fin, j’ai ressenti un grand vide. J’avais de la peine de me dire que je n’aurais plus ce côté créatif, cette collaboration entre amis dans mon quotidien. Je me suis donc mise au travail. »
Sa première idée, qui tournait autour d’un groupe de filles, s’est vite révélée trop ambitieuse. « Il y avait trop de personnages. Or, il y en avait deux qui sortaient du lot : Daphnée et son père. Lorsque j’ai pris la décision de me concentrer sur eux, tout a déboulé. »
Après avoir dirigé l’actrice dans Le chalet, Marie-Claude Blouin n’a pas hésité une seconde à l’accompagner dans cette nouvelle aventure. « Je suis la première fan de Julianne au quotidien, s’exclame-t-elle. Elle me fait tellement rire. Ça a été un réel bonheur de mettre en images son univers. J’avais envie de faire quelque chose de personnel, qu’on retrouve sa couleur dans le ton de la série, dans la déco de l’appart, dans les accessoires. »
Une lune de miel
La complicité entre les deux amies a visiblement été renforcée par cette collaboration, en témoignent les étincelles de fierté qui brillent dans leurs yeux — et la façon qu’elles ont de compléter mutuellement leurs phrases.
« Je me demandais un peu si le fait d’avoir écrit le texte ferait de moi une gardienne des mots, si j’allais être sur la défensive avec les notes de Marie-Claude. Mais la direction qu’on prenait était tellement claire. Je me suis complètement abandonnée au tournage. Je suis comédienne, j’ai besoin d’un capitaine. Et Marie-Claude est une grande directrice d’acteurs », indique Julianne Côté.
Il y avait trop de personnages. Or, il y en avait deux qui sortaient du lot: Daphnée et son père. Lorsque j’ai pris la décision de me concentrer sur eux, tout a déboulé.
« Comme réalisatrice, je dois toujours avoir un portrait d’ensemble, tout en restant ouverte aux petites merveilles qu’on découvre au jour le jour, renchérit Marie-Claude Blouin. J’ai besoin de pouvoir me fier à mon instinct. Ça a été un vrai bonheur à toutes les étapes. Si on n’avait pas le même feeling, on prenait le temps de discuter, on ne se sentait pas obligées de débattre ou d’être en confrontation. C’est fou de voir à quel point ça se passe bien quand on se connaît et qu’on est en confiance. » « C’était une vraie lune de miel », conclut Julianne Côté.
De Pierre en fille est ponctué de longs dialogues savoureux, dans lesquels s’enchevêtrent intelligence, intertextualité, un brin de vulgarité et une bonne dose d’humour absurde. Le ton est donné dès les premières scènes, où Pierre entraîne sa fille, bien malgré elle, à participer à sa rupture avec sa femme des sept dernières années. De cette première escapade, elle sortira, au nom de la vengeance, avec quatre litres d’huile d’olive et un contenant de piment d’Espelette.
Désormais libres et réunis, les deux acolytes se concocteront un quotidien épique dans les rues de Rosemont–La Petite-Patrie, transformant sorties à la quincaillerie et soupers de semaine en véritables croisades et en légendaires joutes verbales.
Absurdité et authenticité
Bien que les personnages soient régulièrement plongés dans des situations plus grandes que nature, la série demeure imprégnée d’authenticité. « J’ai plusieurs autrices et auteurs autour de moi, et je les vois régulièrement s’inspirer de situations qui sont proches d’eux. Comme c’est ma première écriture, je trouvais rassurant qu’il y ait une espèce de véracité dans mon histoire. C’est mon père, ma muse, qui a inspiré le personnage de Pierre. Mon père est intense et coloré, il a une façon unique de voir la vie que je trouve inspirante. J’ai pris ces touches-là, et j’en ai fait autre chose. »
Le visage de Patrice Robitaille s’est très vite imposé pour interpréter ce personnage hors du commun. « On en rêvait, mais on ne voulait pas le tenir pour acquis, indique Julianne Côté. On se disait qu’il serait trop occupé. Il a lu des premières versions vraiment pas abouties. Malgré ça, il a tout de suite aimé l’univers, il a mis tout son cœur dans le projet. » « Ça nous a fait halluciner à quel point il s’est approprié la musique du texte. Il connaît peu Julianne, mais dès les premières lectures, il sonnait comme elle. J’étais bouche bée », poursuit Marie-Claude Blouin.
Une ode à la famille
Le projet est une véritable affaire de famille. La coloc et la blonde de Daphnée sont interprétées par de bonnes amies de Julianne Côté, Sarah-Jeanne Labrosse et Karelle Tremblay. La musique, qui est en soi un personnage, tant elle contribue à l’atmosphère et à la tension émotionnelle, a été composée par le frère de la comédienne, Jean-Raphaël Côté.
« Mon frère a 20 ans, et il a un groupe de musique depuis toujours. C’est un autodidacte qui a beaucoup de talent. Parfois, il m’envoyait des beats pour mon plaisir personnel, et ça m’aidait à rêver la série, ça me donnait des idées de scènes. Mais c’est Marie qui a eu le déclic. »
« On voulait déjà intégrer sa musique dans quelques scènes, puis, je me suis demandé ce que ça donnerait de fusionner leurs deux univers, de le laisser interagir avec les scènes et la monteuse. On lui a fait un studio dans le bureau de ma boîte de production Passez Go, il s’est installé avec son chien et il a livré. »
Julianne Côté rend donc hommage aux gens qui l’ont forgée à travers ce premier scénario. Son père, ses amis, mais aussi sa mère, décédée lorsqu’elle avait trois ans. « J’ai souvent été gênée, devant la fameuse normalité de tous les amis qui ont leurs deux parents. En parlant de ma mère, je ne voulais pas sortir les violons, mais c’est une façon de me libérer, de me réapproprier mon récit, de l’exposer avec douceur. La série est une ode à tous les gens que j’aime. »
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