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Désertion, de Catherine Côté | Enquête et corruption dans le Montréal de l’après-guerre

Paru en premier sur (source): journal La Presse

Dans son nouveau polar, Désertion, Catherine Côté renoue avec les héros de Brébeuf et de Femmes de désordre. La journaliste Suzanne Gauthier et son mari, détective privé, enquêtent sur la disparition d’une riche héritière et nous plongent de nouveau dans l’ambiance sulfureuse de la métropole en 1948.


Publié à 8 h 00

Ce troisième volet de la série est une suite indépendante qu’on peut très bien découvrir sans avoir lu les précédents. L’époque, estime l’autrice, évoque celle des romans policiers de Raymond Chandler, où les hommes fument des cigares et boivent « à tout bout de champ ».

Suzanne est enceinte, mais elle n’est toujours pas prête à renoncer à son métier de journaliste. Et heureusement pour elle, son mari Léopold, qui est retourné depuis peu au Québec après avoir servi en Europe pendant la guerre, comprend que sa femme n’est pas faite « pour une vie de ménagère ».

« Les femmes ont réussi à se faire une place plus tôt en journalisme que dans d’autres milieux parce que vers la fin des années 1800, début 1900, il y avait des journaux exclusivement pour les femmes – pour les ménagères –, où les femmes pouvaient écrire », explique Catherine Côté qui, on le comprend rapidement, est une vraie passionnée d’histoire.

Le personnage de Léopold n’est pas un homme typique de l’époque. Mais justement, pour qu’un personnage comme Suzanne puisse avoir une carrière, ça prend un homme comme ça pour l’accompagner.

Catherine Côté

Au sein de la police, où Suzanne a ses entrées, les personnages féminins qui occupent des postes comme celui de secrétaire doivent composer avec des commentaires misogynes (ou parfois même des gestes déplacés), tandis que les policiers corrompus, eux, sont légion.

« Dans le temps, autour de 75 % étaient des ripoux. Et ça allait jusqu’au très haut gradé », souligne Catherine Côté. En particulier au sein de ce qu’on appelait à l’époque l’escouade de la moralité.

Des recherches poussées

Dès les balbutiements de cette trilogie, Catherine Côté s’est mise à se renseigner sur cette période de l’histoire. Notamment en allant visiter le Musée de la police de Montréal.

Puis en lisant. « Énormément. » Sur la vie au quotidien des élèves dans les collèges catholiques, pour Brébeuf, et, de fil en aiguille, sur la conception de la famille, de la vie privée, de la maternité durant ces années-là.

Le livre de l’ethnologue Suzanne Marchand, Partir pour la famille, lui a été spécialement très utile, mais aussi des ouvrages de psychiatrie sur les traumatismes des vétérans et les maladies prises en considération à l’époque. « Être alcoolique, par exemple, était considéré comme quelque chose de parfaitement normal », note-t-elle.

Tous ces détails finissent par donner à Désertion son ton, entre le polar social et le roman psychologique, où l’enquête sert en parallèle à explorer la complexité des choix que doivent faire les personnages.

À travers ses nombreux projets d’écriture – elle a notamment écrit de la poésie et des romans jeunesse, en plus d’avoir participé à un recueil de nouvelles collectif qui doit paraître en septembre –, Catherine Côté vit son rêve de toujours, celui d’être écrivaine, auquel elle aspirait déjà à l’adolescence, en lisant du Stephen King.

Depuis cinq ans, elle anime également la série balado Un peu de crime dans ton café, qu’elle a cocréée avec Audrey Boutin durant la pandémie. « On aimait beaucoup consommer des balados de true crime américains, mais il n’y en avait pas qui se faisaient sur la criminalité québécoise. Au début, on parlait de crimes de tueurs, mais avec le temps, on a trouvé nos spécialités. Moi, sans surprise, fouiller dans les archives, c’est ça qui me fait tripper. Et il y a deux ou trois ans, j’ai fait une série d’épisodes sur l’histoire du Front de libération du Québec et sur la crise d’Octobre. »

Si elle n’exclut pas d’explorer un jour d’autres périodes de l’histoire de Montréal avec les personnages de Désertion, le prochain défi d’écriture de Catherine Côté sera de se lancer dans le cosy mystery. « J’adore Agatha Christie et les histoires de meurtres et mystères, comme la série d’enquêtes de Miss Marple. Et on n’en a pas vraiment au Québec », dit-elle.

Une histoire à suivre, sans aucun doute.

Désertion

Désertion

Catherine Côté

VLB

408 pages

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