S’il n’avait pas été tué dans un duel stupide en 1837, Alexandre Pouchkine aurait aujourd’hui 225 ans, pourrait dire un Russe bien inspiré.
Alexandre Pouchkine, né en 1799, est en quelque sorte l’alpha et l’oméga de la littérature russe. Phénomène social, divinité à la fois intime et nationale, il transcende tout, est la cause de tout. « Il est de toutes les époques de la littérature et de l’histoire de la Russie, parce que toutes les époques, toutes les générations font référence à Pouchkine », écrit André Markowicz dans son Dictionnaire amoureux de Pouchkine. Mieux : Pouchkine serait même « un élément de la nature, au même titre que l’air, l’eau, la terre et le feu. »
C’est dire à quel point, en Russie, Pouchkine est hors catégorie. Ce qui ne signifie pas, non plus, qu’on lise vraiment l’auteur du Cavalier de bronze et de La dame de pique. Mais il n’en fallait pas plus pour susciter cette formidable somme d’amour et d’érudition, d’anecdotes et de mises en contexte. On se rappellera peut-être que Markowicz nous avait donné il y a quelques années, avec Le soleil d’Alexandre (Actes Sud, 2011), une anthologie poétique conçue à partir du cercle de poètes romantiques proches de Pouchkine.
Traducteur forcené de la littérature russe, il a en particulier renouvelé le regard francophone sur Dostoïevski. Traduisant depuis 1992 son œuvre aux éditions Actes Sud, Markowicz a su redonner une bonne partie de son oralité à l’auteur de Crime et châtiment, soucieux des différents niveaux de langage, malmenant la syntaxe.
Né à Prague en 1960, Markowicz a vécu les quatre premières années de sa vie à Saint-Pétersbourg — qu’on appelait alors Leningrad. Il se rappelle que sa grand-mère maternelle lui lisait les contes de Pouchkine et raconte qu’à 3 ans, avant même de savoir lire, il connaissait des passages entiers d’Eugène Onéguine. Puis la famille est rentrée en France. « Et tout s’est arrêté, du jour au lendemain. Et j’ai tout oublié. Je n’écris probablement que pour ça — pour retrouver un peu de cette chaleur. »
De Georges-Charles de Heeckeren D’Anthès (l’homme qui a tué Pouchkine) à Marina Tsvétaïeva, en passant par les Décembristes, les poèmes, les amis et les personnages du poète, les occurrences défilent, et « chaque sensation de la vie est liée à Pouchkine », écrit l’auteur.
André Markowicz, ça crève les yeux, connaît profondément son sujet. Il met ses pas dans ceux de Pouchkine, puise dans le regard des biographes et des exégètes, remonte toutes les sources en russe et enrobe tout cela de son érudition enjouée.
Excursions historiques au cœur du XIXe siècle russe, leçons de traduction, autobiographie partielle et fragmentée, ce Dictionnaire amoureux de Pouchkine ratisse large. Pour peu qu’on arrive à s’affranchir de l’époque un peu folle qui est devenue la nôtre, qui recouvre et ternit pour un temps la littérature russe.
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