Paru en premier sur (source): journal La Presse
L’autrice Élyse A. Héroux arrive les bras chargés de biscuits faits maison, joliment emballés, qu’elle nous offre. « Des biscuits chocolat, menthe et amaretti, poudre d’amande et meringue », dit-elle fièrement.
Publié à 11 h 00
Bibitte à sucre est son quatrième roman, et comme son héroïne Julie Romain, elle adore faire des gâteaux et des biscuits, d’où le titre de son livre. « C’est un vrai bonheur, la pâtisserie. Les gâteaux, les couleurs, les saveurs, c’est beau, c’est vivant, c’est une passion qui est créative et qui rappelle l’enfance », explique l’autrice.
Une bibitte à sucre, c’est aussi, selon elle, un trait de personnalité, le fait d’être dans l’excès et d’avoir une énergie débordante qui n’est pas toujours bien canalisée.
Après le succès de Quatre clémentines éparpillées, sorti en 2023, la romancière a envie d’écrire des histoires qui font du bien. « Mettre les gens de bonne humeur, c’est ma petite ambition. » Et elle réussit, car les personnages de Bibitte à sucre sont colorés et attachants.
On y suit la vie de Julie Romain, qui travaille dans le café de Gaston, dans Villeray. Elle y fait des gâteaux depuis trois ans et sucre le bec des clients dont certains sont devenus des amis. Elle habite l’appartement au-dessus de chez son père vieillissant, dont elle s’occupe, et elle a comme voisin un écrivain en crise existentielle.
Malgré cette vie pleine de solidarité, elle décide de quitter Montréal pour aller vivre à la campagne et commencer un nouveau travail dans un centre de désintoxication. C’est donc un nouveau départ pour cette quadragénaire, qui a été à une autre époque, chroniqueuse culturelle, pour faire plaisir à sa mère envahissante.
Julie découvre qui elle est à 45 ans, elle est enfin libérée de tout, et c’est une nouvelle vie qui commence, une vie pleine de liberté.
Élyse A. Héroux
L’autrice et réviseure de profession a récemment quitté Montréal pour emménager à Sherbrooke. Elle avait besoin, elle aussi, de changement. « Pourquoi pas l’Estrie ? Je vis à Sherbrooke, c’est calme, c’est vert, c’est la nature, j’aime aller me promener dans le bois, ça me fait du bien. J’en ai eu assez de Montréal, pourtant tous mes amis sont ici, mes parents et mon fils aussi y habitent.
« J’aime Montréal, mais comme Julie, mon instinct me disait d’aller voir ailleurs. J’avais besoin de changement. Il y a aussi la question financière, ça coûte désormais très cher de vivre à Montréal. »
De l’acool aux gâteaux
La romancière s’est aussi inspirée de sa vie, pour parler de la dépendance à l’alcool, car comme son héroïne Julie, elle a arrêté de boire il y a cinq ans. Un sujet délicat qu’elle a tenu à aborder dans son roman, et lors de l’entrevue.
« L’alcool fait partie de notre culture, on célèbre les évènements importants en prenant un verre ou en ouvrant une bouteille, on trinque, c’est festif et c’est quelque chose de normal. L’alcool, c’est aussi la solution à la timidité, aux chagrins, à l’ennui », confie-t-elle.
« J’ai arrêté il y a cinq ans. C’était devenu un réflexe de boire, ça faisait partie de ma vie, de la personne que j’étais, de mes interactions, et c’était sournois. » Libérée de sa dépendance, elle a découvert la pâtisserie.
Quand on est en sevrage, très souvent, on fait autre chose, pour combler le manque, il y en a qui font du sport, d’autres se mettent à voyager, moi, tout comme Julie dans mon roman, c’est la pâtisserie. Le sucre, c’est extraordinaire ! Un peu comme boire un bon vin, c’est un vrai plaisir de déguster de délicieux gâteaux.
Élyse A. Héroux
En parlant de gâteaux, la romancière évoque le café chez Gaston, dans Villeray, qu’elle a imaginé pour son roman, un café où travaille Julie, où il règne une ambiance de douce camaraderie.
« Pour moi, cette petite bulle de quartier, c’est un fantasme. Le café où tous les gens se retrouvent, où il y a des liens qui se nouent avec les habitués, où chacun connaît la vie de l’autre, où il y a cette entraide, cette solidarité, je ne l’ai jamais vraiment vécu. Je l’ai vu au cinéma, à la télévision, ce café où tu vas chercher ton petit bonheur le matin », raconte-t-elle.
Elle sait que ces cafés existent, où les gens prennent le temps de nous consoler quand ça ne va pas, où le propriétaire offre même le café pour nous remonter le moral. « Je trouve ça beau, ces petits moments de douceur et de solidarité. L’esprit de communauté, l’entraide, la compassion, c’est ce qu’on retrouve dans mon roman et on devrait prendre plus le temps de faire attention aux autres, surtout en ce moment. »
Après ses deux premiers romans, Les bonheurs caducs en 2015 et Mara M. en 2017, Élyse A. Héroux a exploré un autre genre, la biographie, en participant notamment à celle de Mahée Paiement et à celle de Pauline Marois. « C’est un grand privilège d’avoir eu la confiance de Pauline Marois, elle a été très généreuse, et ce fut une belle rencontre. Être la plume d’une autre personne, l’exercice a été très nourrissant. »
Avec Bibitte à sucre, l’autrice nous prouve qu’elle se sent bien dans la fiction en signant un roman drôle et bienveillant. « On apprend toujours de nos expériences, de celles des autres même si ce n’est pas toujours facile de garder le sourire. On peut trouver sa place, et vivre des moments de petit bonheur. »

Bibitte à sucre
Éditions Édito
360 pages