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Alors que le gouvernement Legault vient d’adopter un décret balisant l’utilisation de l’écriture inclusive dans les communications gouvernementales, l’écrivain Dany Laferrière, membre de l’Académie française, estime que la langue évolue avant tout par l’usage.
Mon opinion est que [l’écriture inclusive] ne peut pas marcher
, a soutenu Dany Laferrière alors qu’il était interrogé, à brûle-pourpoint, sur ce sujet, jeudi, en entrevue à l’émission Pénélope, sur ICI Première.
Le problème de cette action sur la langue est que les gens qui en parlent veulent que ce soit à leur manière, de leur vivant
, a ajouté celui qui vient d’être honoré par le Festival du film black de Montréal.
Un changement qui demande du temps
Pour Dany Laferrière, la langue évolue avant tout par l’usage. On ne peut pas toucher à la langue avant cinq à six générations, a-t-il assuré. Quelle que soit la disposition que l’on prend, ça va rentrer dans l’espace de l’usage et les gens ne se poseront plus de questions.
La langue n’est pas idéologique instantanément
, tranche le membre de l’Académie française.
Il faut accepter que, pendant votre génération, et même plus tard, il ne passe rien de votre lutte [pour l’écriture inclusive].
Selon Dany Laferrière, le problème ne réside pas tant dans le fait de faire évoluer les mots, en les féminisant par exemple, mais dans la grammaire.
La grammaire, vous ne pouvez pas la changer, parce qu’on ne va pas vous comprendre. C’est le fond même de l’affaire.
Le droit de contester
La langue, c’est la seule grande passion populaire de tous les peuples. Tout le monde a le droit à la langue, et a le droit de contester comment elle se passe
, a-t-il ajouté plus tard dans l’entrevue.
Si le choix de certains de faire de l’écriture inclusive leur cheval de bataille peut donc être légitime, il n’en demeure pas moins risqué à ses yeux.
Quand vous touchez à quelque chose dans une langue, vous en avez le droit, c’est votre espace de vie, c’est votre génération qui est au pouvoir.
Mais [la langue] est un fil. Dès que vous touchez à un point, il faut remonter tout le courant de la langue pour voir tout ce que vous avez fait bouger sans le savoir. C’est là le problème.
Au micro de Pénélope McQuade, il a également défendu son expertise et celle des autres professionnels de la langue française comme lui.
Vous avez le droit de m’imposer ce que vous voulez, mais je peux vous dire que vous allez créer des problèmes sur toute la ligne, parce que je connais tout l’ensemble.
Vous allez vous satisfaire là pour le moment, mais dans deux générations, ils seront complètement embrouillés. Ça va être la bagarre
, a-t-il mis en garde.