Source : Le Devoir
Écrivaine de la transgression, de la subversion, du risque, Emmanuelle Bayamack-Tam aime se dérober aux codes, marcher en équilibriste sur la frontière des genres, défier les règles, les théories, les carcans. C’est ça, et beaucoup plus, qu’a récompensé le jury du prix Médicis, en distinguant son dernier livre, La Treizième Heure, plus tôt cet automne.
Le roman — si l’on peut même le désigner ainsi — reprend les thèmes, les figures, les procédés chers à l’écrivaine française, échos d’une insoumission et d’une irrévérence présentes depuis le début de sa carrière, mais que l’évolution et les prises de conscience sociales permettent peut-être, aujourd’hui, de reconnaître à leur juste valeur.
Farah, une adolescente, grandit en communauté dans l’Église de la Treizième Heure, une église millénariste féministe, queer et animaliste. Son père, Lenny, qui en est le fondateur, rassemble chaque jour les fidèles — des individus marginaux, blessés, abîmés par la vie, la précarité ou la violence — autour de messes poétiques, où la prière est remplacée par des récitations collectives de Nerval et de Rimbaud. À travers ces voix révolutionnaires des siècles derniers, Lenny espère galvaniser ses troupes, leur donner le courage de renverser l’ordre établi qui mène l’humanité à sa perte, de faire advenir le triomphe des démunis, des dominés, de ceux qui ont de tout temps été réduits au silence.
Ce n’est pas la première fois qu’Emmanuelle Bayamack-Tam installe une histoire dans une communauté qui évolue dans les marges du monde. Arcadie (P.O.L., 2018) son roman précédent, situait ses personnages
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