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Entrevue avec Jón Kalman Stefánsson | Des Beatles aux fjords d’Islande

Paru en premier sur (source): journal La Presse

On a tous besoin d’un refuge à un moment ou à un autre notre vie, croit Jón Kalman Stefánsson. Un « sous-marin jaune » qui serait un abri loin de tout, avec ses amis, une sorte de monde parfait comme celui que les Beatles chantent dans Yellow Submarine.


Publié à 9 h 00

L’écrivain islandais est en ville pour la première fois, cette semaine, à l’occasion du festival de culture nordique FIKA(S). Nous en avons profité pour discuter avec lui de son plus récent roman, Mon sous-marin jaune, paru l’hiver dernier ; mais également des thèmes récurrents de son œuvre, traduite dans plusieurs langues depuis sa célèbre trilogie Entre ciel et terre.

Déjà, dans ses romans D’ailleurs, les poissons n’ont pas de pieds ou Ton absence n’est que ténèbres, l’écrivain et poète évoquait la vie, la mort, l’absence, la perte, le temps qui passe, les souvenirs.

« Quand j’écris, c’est comme si j’improvisais une chanson, dit-il avec douceur. Quand j’étais enfant, je trouvais ça tellement triste et tragique que les gens qui meurent ou qui partent laissent tant de choses derrière eux, mais que nous ne pouvons plus leur parler ; eux, ils nous parlent à travers leur absence et ce qu’ils laissent derrière eux, les choses, les souvenirs. »

« Puis j’ai réalisé que c’était difficile de préserver ces souvenirs parce qu’ils changent sans arrêt, ajoute-t-il ; des choses nous arrivent, on en découvre de nouvelles et cela affecte nos souvenirs. Alors on n’est plus certain de se rappeler ce qui s’est vraiment passé et on a même de la difficulté à se rappeler le sourire de cette personne ou sa façon de parler. Je pense que j’ai toujours essayé de remplir cette absence à travers l’écriture. »

Donner une voix aux disparus

Dans Mon sous-marin jaune, son titre le plus personnel à ce jour, le narrateur plonge dans les réminiscences de la mort de sa mère, qu’il a perdue à 6 ans et qui avait tenté de lui apprendre à jouer Yellow Submarine à l’harmonica en lui disant que le texte parle de notre désir à la fois douloureux et puéril de trouver un havre de paix, un lieu où l’on est en sécurité, un univers parallèle où les contraintes et les mauvais coups du monde ne nous atteignent pas, écrit-il.

« Comme je le mentionne au début du , ce n’est pas la chanson la plus respectée des Beatles ; mais je l’ai toujours aimée, en particulier pour ses paroles », souligne Jón Kalman Stefánsson.

Il explique que son intention était non seulement d’écrire sur la perte d’une mère dans ce livre, mais également sur et la Bible, notamment à travers les conversations de son narrateur avec les défunts du cimetière voisin et celui qu’il appelle l’Éternel.

Comme dans ses titres précédents, il donne sans cesse une voix aux disparus, car c’est ainsi, selon lui, qu’ils continuent d’exister. Et c’est finalement sur plus de 50 ans de sa vie qu’il nous entraîne, avec les Beatles en filigrane, un poème mésopotamien vieux de plusieurs milliers d’années et les paysages grandioses des fjords du -ouest de l’.

PHOTO MARCO , LA PRESSE

Jón Kalman Stefánsson

C’est facile d’oublier au quotidien, et c’est tentant de laisser le passé derrière soi. Mais pour , si vous oubliez le passé, vous trahissez ceux qui ne sont plus là, mais vous vous trahissez aussi parce que ceux qui sont partis sont une part de vous.

Jón Kalman Stefánsson

« Votre passé, celui de vos parents et de votre pays, vous dit quelque chose à la fois sur vous et sur l’humanité. Tout est lié : le passé, le présent, le futur », ajoute-t-il.

Au fil de ces va-et-vient dans le temps, la bibliothèque de Keflavík, en Islande, devient son sous-marin jaune ; , son refuge par excellence, celui qui le rattache sans cesse à sa mère.

« L’un des souvenirs les plus fondamentaux d’un enfant est celui où ses parents lui lisent ou lui racontent une histoire au lit ; ils créent de merveilleux souvenirs que l’enfant n’oubliera jamais. Et quand ils seront partis, il se souviendra de ces moments passés ensemble à découvrir de nouveaux mondes », dit Jón Kalman Stefánsson.

Tout en réfléchissant au rôle qu’elle a joué dans sa vie, l’écrivain insiste sur l’importance de la lecture. Une importance qui n’a jamais été aussi cruciale, à son avis. « La lecture permet de comprendre toutes sortes de textes compliqués, ce qui rend la tâche plus difficile pour des gens comme ou Musk de nous duper. Si l’on veut que la démocratie survive, la lecture est la clé la plus importante, martèle-t-il. Je crois que toutes les nations devraient se concentrer sur leur langue et leur littérature. Et si vous voulez comprendre une culture, lisez ses romans et sa , écoutez sa musique. »

Un entretien avec Jón Kalman Stefánsson est prévu dans le cadre du FIKA(S) jeudi soir, à 18 h, à la librairie Gallimard.



Consultez le site du FIKA(S) pour tous les détails

Mon sous-marin jaune

Mon sous-marin jaune

Jón Kalman Stefánsson (traduit de l’islandais par Éric Boury)

Christian Bourgois

391 pages

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Dans cet article

Jón Kalman Stefánsson (traduit de l’islandais par Éric Boury) Mon sous-marin jaune



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