Image

«Espère»: autobiographie d’un homme simple

Le Devoir Lire

« Une autobiographie n’est pas une affaire privée, mais plutôt un sac de voyage », écrit Mario Bergoglio, beaucoup mieux connu depuis 2013 comme le pape François. Car une vie est faite de rencontres, nous dit-il, ainsi que de décisions souvent fondées sur ces rencontres.

C’est un événement éditorial inédit : un pape en exercice, évêque de Rome, chef de l’Église catholique et du minuscule État monarchique du Vatican, publie son autobiographie. Espère, écrit en collaboration avec l’éditeur italien Carlo Musso, ne devait paraître qu’après sa mort, comme un testament, mais « les exigences du temps » en ont décidé autrement.

Né en 1936 dans un quartier populaire de , en , où ses grands-parents avaient immigré en 1929 depuis Turin, en , il nous raconte ses origines, son enfance tranquille, ses années de formation.

Après Louée soit la lecture (Des Équateurs, 2024), on ne s’étonne plus de le voir citer , Baudelaire, Verlaine, Rilke, Bertolt Brecht ou Eduardo Galeano. Il raconte que lorsqu’il était enfant, sa grand-mère Rosa lui avait appris par cœur le début des Fiancés d’Alessandro Manzoni, le chef-d’œuvre de la littérature italienne du XIXe siècle. « J’ai lu quatre fois le roman, et aujourd’hui encore il m’arrive de le garder près de mon bureau pour le relire. Il m’a tant apporté. »

Au début des années 1960, il avait même invité Jorge Luis Borges, l’auteur de Fictions, à donner quelques leçons sur le thème des gauchos en littérature au collège de Santa Fe, où il a enseigné pendant deux ans la littérature et la psychologie. Il avait même rasé l’écrivain aveugle à son hôtel…

Et le cinéma n’est pas en reste : ses parents l’emmenaient voir tous les films du cinéma italien d’après-guerre (Rossellini, De Sica, Visconti). Aujourd’hui encore, il se dit convaincu que « le néoréalisme est une grande école d’humanisme ».

Depuis ses années de jusqu’à son ordination sacerdotale, le premier pape issu de la Compagnie de Jésus se montre sous le jour qu’on lui connaît, humble et humain, sympathique, capable d’ironie et d’autodérision : « L’humour est aussi une authentique sagesse. Il est une relation, car il est facile de rire ensemble et presque impossible de le faire seul. »

Il nous met en garde contre la peur de l’autre et les divisions, la violence, la désinformation, tout en soulignant les défis que posent les réseaux sociaux et l’intelligence artificielle pour le vivre-ensemble et la démocratie. « La démocratie n’est pas un vote à distance ni un supermarché. Nous devons penser avec créativité à des formes de participation réelle, qui ne soient pas une adhésion à des personnalisations populistes ou idolâtres du candidat de service — c’est précisément cela qui alimente l’abstentionnisme —, mais plutôt un engagement idéal et concret dans un projet de communauté, dans un rêve collectif. »

C’est l’histoire d’un homme simple et imparfait, faillible, curieux et débordant d’empathie, qui se méfie de tous les pouvoirs — y compris celui qu’il possède.

Que l’on soit ou non chrétien, croyant ou sans foi, Espère est le genre de livre qui peut faire du bien. À l’heure où se réveillent les fantômes des nuits les plus sombres de l’histoire du XXe siècle, « l’espérance est la valeur suprême. Son contraire est l’enfer sur Terre ».

Espère

★★★ 1/2

Pape François et Carlo Musso, traduit de l’italien par Françoise Bouillot et Camille Sfez, Albin Michel, , 2025, 400 pages

À voir en vidéo

[...] continuer la lecture sur Le Devoir.

Palmarès des livres au Québec