Paru en premier sur (source): journal La Presse
Bernadette, 14 ans, a « frôlé la mort ». Sur scène, en plein Requiem de Mozart, le cœur de la jeune choriste s’est affolé. Ses mains sont devenues moites. Ses joues se sont enflammées. Elle en était convaincue : son heure était venue.
Publié à 1h16
Mis à jour à 9h00
Tout comme le personnage de son premier roman pour adolescents, l’autrice et dramaturge Fanny Britt a déjà ressenti des palpitations cardiaques si fortes et si soudaines qu’elle a cru que la mort l’appelait. Elle avait alors 17 ans. « J’ai fait pour la première fois de ma vie une crise de panique sur scène. J’ai capoté ! », se souvient l’écrivaine qui, dans les dernières années, a signé les romans Les maisons et Faire les sucres.
Cet épisode traumatique lui a inspiré le début de Bonjour, mon cœur, livre destiné aux 13 ans et plus dont les principaux thèmes sont l’adolescence, l’affirmation de soi, la famille et, surtout, l’anxiété.
Il faut dire que le personnage de Bernadette, que l’on suit alors qu’elle commence son tout premier emploi d’été dans un restaurant de Kamouraska, lui est apparu dans une période très anxiogène marquée par une infection dont on ne veut plus prononcer le nom.
La pandémie a beaucoup réveillé l’enfant insécure en nous tous, en moi particulièrement, j’ai l’impression. L’idée du livre a vraiment émergé de cette anxiété-là, particulièrement l’anxiété liée à la santé.
Fanny Britt
Elle précise que cela diffère de l’hypocondrie. « L’hypocondrie, c’est quand tu es convaincu d’avoir une maladie sans preuve physiologique de l’avoir. L’anxiété liée à la santé, ce n’est pas nécessairement d’être convaincu d’être malade, mais c’est d’avoir peur de le devenir et de penser qu’il faut constamment prévenir les maladies », résume l’autrice.
Pendant un certain temps, elle est demeurée en état d’alerte. Comme l’héroïne de son roman, elle scannait mentalement son corps pour y déceler le moindre signe annonciateur d’une maladie. Elle s’inquiétait aussi de la santé physique et émotionnelle de ses proches.
Les facettes de l’anxiété
Or, pandémie ou non, Fanny Britt se décrit comme une grande anxieuse. « C’est moi ! C’est mon lot dans la vie », affirme-t-elle. Dans Bonjour, mon cœur, elle a voulu explorer les nombreuses facettes de l’anxiété en s’inspirant de son vécu et de celui de ses proches également – elle avoue avoir « volé » l’été de son fils Hippolyte au restaurant pour les besoins de la fiction. « L’anxiété prend des visages différents chez les gens et ça les fait se comporter de diverses manières », observe-t-elle.
« J’avais envie que Bernadette soit comme j’ai été très longtemps, c’est-à-dire qu’elle ne croie pas que c’est de l’anxiété. Elle se dit : “J’ai des symptômes physiques, j’ai un problème physique !” »
Le personnage de la mère de Bernadette a quant à elle un trouble anxieux généralisé. Elle s’en fait pour tout, tout le temps – ou presque. Par exemple, elle s’invente des scénarios catastrophes lorsque sa fille part seule à vélo.
Comme la mère de son héroïne, cet art de s’imaginer le pire, Fanny Britt le maîtrise bien.
Je suis rarement surprise par les épreuves. […] Je vis dans l’attente perpétuelle que quelque chose aille mal.
Fanny Britt
Au fil des années – et des séances de thérapie –, l’autrice a apprivoisé son anxiété, qui va « par vagues ». « Je pense que les anxieux, on passe beaucoup de temps à essayer de se débarrasser de l’anxiété, de la tuer, de la surmonter. Ce qu’on apprend au fil des ans, c’est que ce n’est pas comme ça qu’on la guérit. C’est plus en acceptant tous nos états », analyse l’écrivaine.
Elle poursuit : « J’ai l’impression que mon anxiété, c’est le revers d’un grand attachement à la vie et aux gens que j’aime. […] Depuis que j’ai des enfants, ma peur de mourir est très étroitement liée à la peur de faire subir ce deuil-là à mes fils. À mes parents aussi, parce qu’ils ont perdu un autre enfant. J’ai perdu un frère et c’est beaucoup à la source de ma personnalité. J’avais 19 ans. J’étais déjà anxieuse, mais c’est venu cristalliser cette idée que le pire arrive. »
Une porte sur la littérature
L’autrice, qui a écrit d’autres titres jeunesse, dont Louis parmi les spectres et Truffe, rêvait depuis longtemps de signer un roman pour adolescents.
« La littérature pour adolescents, c’est ce qui m’a ouvert la porte vers mon amour de la littérature en général. […] Je me suis attachée très rapidement aux romans plutôt réalistes qui dépeignent la vie ordinaire », confie-t-elle, en faisant l’éloge des œuvres de Judy Blume.
En terminant, que conseillerait-elle à un adolescent qui fait de l’anxiété ? « Je lui dirais d’en parler à quelqu’un, de ne pas garder ça en dedans, de l’écrire s’il n’est pas capable d’en parler ou s’il n’a personne autour de lui. Mettre des mots là-dessus pour réduire la taille de la bête. […] Après, souvent, le truc pour nous sortir de notre tête, c’est de rentrer dans notre corps. Ça peut prendre toutes sortes de formes. Chanter dans une chorale, jouer au basket, pratiquer un sport… »
Ou, comme Fanny Britt, faire naître de son anxiété un roman captivant.

Bonjour, mon cœur
Éditions Le Cheval d’août
Dès 13 ans