Image

Filles de Gore | Défaire corps

Paru en premier sur (source): journal La Presse

Troisième recueil de Clémence Dumas-Côté, Filles de Gore marque le retour saisissant à la de l’ des Cantons-de-l’Est, après le succès de son roman Glu en 2022. Ancré dans le village éponyme des Laurentides, ce recueil profondément intime nous plonge dans les méandres d’une expérience limite, une exploration des zones d’ombre qui habitent nos existences.


Publié à 7 h 30

Dans une cabane au cœur de la forêt, l’autrice partage des instants avec son amoureux et ses trois enfants, ceux qui sont « vivants terminés debout ». Mais un cinquième personnage, tel un spectre, s’invite : l’enfant en voie de fabrication dont le cœur s’est arrêté deux mois auparavant, pendant qu’elle le portait.

Soudain, la fausse couche survient, brutale et dévastatrice. « Je ne suis plus quelqu’un / plusieurs cellules fœtales ont déjà traversé / la paroi placentaire / elles se sont camouflées / dans les recoins de mes organes, de mon cerveau ». Les vers suivants, empreints d’une tristesse poignante, chuchotent la perte. « À minuit je prends un squelette / sens dessus dessous / que j’étreins / entre mes bras ».

Un exemplaire usé des Filles de Caleb traîne dans un coin du chalet. Des mots d’une autre époque pour parler d’aujourd’hui, que Dumas-Côté cite comme une béquille pour nommer les circonstances. La poétesse fait preuve d’une habileté rare pour créer des images évocatrices. Son écriture conduit le lecteur vers un état d’enfièvrement, une immersion totale dans le chahut des émotions.

Des dessins naïfs attribués à Cléo, qu’on devine être l’enfant de l’autrice, parsèment le livre. Illustrations parfaites de la légèreté tragique qui fait la force des vers que signe Clémence Dumas-Côté.

Par sa capacité à capturer la violence de l’expérience corporelle, la poétesse nous happe. Le corps, dans toute sa lutte affective, est scruté avec une sensibilité remarquable. Elle évoque les douleurs physiques et psychologiques avec une précision qui force l’empathie.

La douleur sublimée se transforme en une sorte de catharsis poétique. Car oui, comme le veut le cliché, la beauté peut émerger des ténèbres les plus profondes.

Dans la deuxième partie du , constituée d’une dizaine de pages et brillamment intitulée «  d’hantologie », l’autrice énumère les 24 étapes d’un rituel de deuil imaginé. « Calculer la longueur du mot intime à partir de cheveux coupés. […] Sur le sentier, échapper son sang par petits sacs farineux. […] Laisser étinceler ses dents de lait, à la lueur du matin des poubelles. »

Filles de Gore se dresse comme un monument à la et à l’absence, un texte en mouvement où chaque mot pulse avec une intensité vitale. Loin de se perdre dans le désespoir, les échos de son expérience nous rappellent que dans l’obscurcissement des peines réside souvent la promesse d’une renaissance. Une bonne raison d’oser danser avec ses fantômes.

En librairie le 21 mars

Filles de Gore

Filles de Gore

Clémence Dumas-Côté

Les Herbes rouges

64 pages

8/10

[...] continuer la lecture sur La Presse.

Palmarès des livres au Québec

Filles de GoreClémence Dumas-Côté

Laissez un commentaire

Votre adresse courriel ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *