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L’auteur franco-torontois, natif d’Haïti, Gabriel Osson consacre son dernier livre à Suzanne Louverture, épouse du chef de la révolution haïtienne Toussaint Louverture.
Un lancement de l’ouvrage est organisé mercredi soir au centre culturel Blackhurst, sur la rue Bathurst à Toronto. La rencontre sera animée par l’écrivain Didier Leclair.
Hadrien Volle : Ce livre est l’aboutissement d’une aventure qui a commencé il y a plusieurs années pour vous. Est-ce que vous pouvez revenir sur ce qui vous a conduit à raconter l’histoire de Suzanne Louverture ?
Gabriel Osson : J’ai commencé à travailler sur ce livre il y a trois ans, mais j’ai appris l’existence de Suzanne Louverture il y a cinq ans. J’étais au mariage d’une petite nièce à Agen [France] et parmi les invités il y avait une dame qui était responsable de la culture pour la ville. Elle est venue me voir et elle m’a demandé si je savais qu’Agen avait accueilli un personnage historique de Saint-Domingue [l’ancien nom d’Haïti] jusqu’à sa mort ? Et c’est là que j’ai connu Suzanne Louverture.
H.V. : Comment ont débuté les recherches ?
G.O. : Je suis retourné l’été suivant à Agen pour rencontrer le personnel des Archives départementales du Lot-et-Garonne. J’ai été surpris par la somme de matériel qui était disponible.
Par la suite, j’ai reçu une subvention du Conseil des arts du Canada qui m’a permis de faire davantage de recherches en France. Je suis allé dans les différentes villes où Suzanne Louverture a transité. D’Agen, je suis allé à Pau, pour apprendre que les archives n’y étaient plus depuis 1917 et qu’il fallait que j’aille à Aix-en-Provence où sont classés les fichiers concernant les outremers.
J’ai dû aussi aller à Brest puisque c’est là-bas que sont classés les fichiers maritimes. Ça tombait bien puisque le bateau qui emmenait Mme Louverture de Saint-Domingue, et qui s’appelait Le Héros, a débarqué à Brest. En consultant le registre du navire, j’ai pu confirmer qu’elle est arrivée en France à la fin du mois d’août 1802.
L’artiste Gabriel Osson avec plusieurs de ses œuvres dans ses mains.
Photo : Radio-Canada / La Billetterie
H.V. : Qu’est-ce que vos recherches vous ont appris sur la personnalité de Suzanne Louverture ?
G.O. : Suzanne et Toussaint se sont mariés en 1793. Ensemble ils ont eu deux enfants, qui sont venu s’ajouter à un autre que Suzanne avait eu à la suite d’un viol avant son mariage et que Toussain a adopté comme son propre fils. Tous deux étaient des esclaves affranchis et lorsque le mari a commencé à travailler pour l’armée française à Saint-Domingue, elle s’occupait des terres et de leurs propres esclaves.
H.V. : Qu’est-ce qui a poussé Suzanne Louverture à quitter Saint-Domingue ?
G.O. : Parce que Napoléon Bonaparte a décidé de déporter toute la famille vers ce qui était, pour eux, une destination inconnue. Une fois arrivée en France, elle a souvent écrit au ministère pour demander à pouvoir retourner sur son île, arguant qu’elle n’avait rien à voir avec les histoires de son mari. Mais c’était mal comprendre Bonaparte qui ne voulait pas que Toussaint Louverture ait une descendance en Haïti. Ses requêtes sont donc toutes restées lettres mortes.
Mais ce qui était intéressant c’est que Toussaint Louverture étant devenu commandant en chef de l’armée sur l’île, Suzanne était considérée comme la première dame de Saint-Domingue. Et c’est ainsi qu’elle était vue en France pendant son exil. Ses besoins vitaux étaient comblés par une pension de l’État français.

La couverture du livre de Gabriel Osson consacré à Suzanne Louverture.
Photo : Éditions du CIDIHCA
RC : Vous qui êtes un auteur aux multiples intérêts, comment avez-vous décidé de raconter cette histoire ?
G.O. : C’était tout un défi parce que d’une part il y avait beaucoup de matériel historique et, d’autre part, il y en avait très peu qui parlaient de Suzanne directement. Il n’y a aucune photographie, seulement deux illustrations posthumes. J’ai trouvé une lettre qui la décrivait vaguement, c’est à peu près tout ce que j’avais pour me donner une idée.
J’ai donc décidé d’écrire son histoire en parallèle de celle de Toussaint Louverture car si Toussaint était quelque part, Suzanne n’était pas très loin. J’ai certainement pris quelques libertés, mais j’ai respecté les dates et les lieux, par où elle a transité, etc. Il y a une volonté biographique de ma part, tout en restant dans un roman.