Source : Le Devoir
Celui qui a publié la bande dessinée autobiographique à succès Blankets (Blankets, manteau de neige) il y a maintenant plus de 20 ans revient en force sur les chemins cahoteux et risqués de l’écriture du réel avec Ginseng Roots. Cette œuvre, traduite en français par les éditions Casterman, se laisse difficilement classifier : elle revêt tout à la fois les couleurs de l’enquête journalistique, celles du récit d’enfance et celles du récit de voyage, de la bande dessinée Marvel, du documentaire, de l’essai… Et cet amalgame chaotique — à l’image de l’enfance de l’auteur — est absolument réussi.
Un récit personnel qui migre vers l’universel
Tout commence lors de vacances en Chine, alors que le bédéiste se blesse à une main en perdant pied dans la rivière Yulong. Le remède proposé par les pharmaciens locaux ? Un baume à base de ginseng, cette plante médicinale cultivée en Asie, mais aussi au Canada et aux États-Unis.
De retour chez lui, à Portland, Thompson subit une première crise de fibromatose, maladie dégénérative de la main, ce qui ralentit son travail d’illustrateur. Au même moment, ses parents l’informent que le tout premier Festival du ginseng se tiendra prochainement au Wisconsin, dans le village où il a grandi… et récolté du ginseng pendant une dizaine d’étés.
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Les parents Thompson, chrétiens évangéliques « nés de nouveau » (born again) très pauvres du Wisconsin (dont l’histoire a été relatée dans Blankets), n’ont en effet eu d’autre choix que de traîner avec eux leurs trois jeunes enfants dans les champs de ginseng durant leurs vacances estivales, faute de gardienne. Craig, Phil et Sarah ont ainsi passé leurs étés à désherber, à retirer les roches et à déterrer les racines humanoïdes de cette plante, unique et capricieuse. Vénérée en Asie pour ses propriétés médicinales et aux États-Unis pour sa valeur phénoménale sur le marché asiatique, elle incarne la véritable héroïne de cet album. Surtout, elle déclenche les réflexions historiques, politiques et personnelles de l’écrivain épuisé et angoissé par sa nouvelle maladie. « Les plantes ne sont pas juste des alternatives pharmaceutiques, souligne l’acupuncteur de Craig. Ce ne sont pas juste des branches, des baies, et des trucs de hippies. Les plantes sont des personnes. »
Une plante à l’histoire ramifiée
Si les voies du Seigneur que prient avec dévotion les parents Thompson sont insondables, celles du ginseng s’enfoncent tout aussi profondément dans l’histoire de l’Amérique et de l’Asie. Premières Nations d’Amérique, Hmong immigrés aux États-Unis après la guerre du Vietnam, agriculteurs wisconsinois, transformation du modèle économique de l’exploitation des campagnes… Comprendre les enjeux du ginseng implique une myriade d’apartés tous plus intéressants les uns que les autres.
Miroir des vies humaines, le ginseng nous lègue peu à peu sa sagesse, tout comme la panoplie diversifiée des acteurs du milieu, interviewés au fil des ans par le bédéiste. « Chaque printemps, relate un ami agriculteur, je vois la graine qui commence à former une racine. C’est ça qui me donne de l’espoir. C’est ça qui me fait vivre ! Pour moi, ça représente un nouveau départ. »
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