Née il y a cent ans, fille d’une passionaria révolutionnaire et d’un célèbre avocat criminaliste, petite dernière de la famille, Goliarda Sapienza (1924-1996) a grandi avec une liberté folle dans le coeur étriqué de la vieille ville de Catane, en Sicile, sous la menace permanente de l’Etna.
Elle aura connu plusieurs vies — même par-delà la mort. Comédienne de théâtre et actrice au cinéma, résistante, scénariste, écrivaine, icône littéraire et féministe.
Pendant dix ans, à la fin des années 1960, arrêtant tout, enfermée, elle a rempli au Bic à l’encre noire, avec une discipline militaire, les pages brûlantes de L’art de la joie, son chef-d’oeuvre un peu maudit devenu aujourd’hui un classique de la littérature italienne.
Un hymne baroque à la liberté, à l’insoumission et au pouvoir de la parole littéraire. Une traversée du siècle doublée d’une véritable expérience intérieure. Modesta, l’héroïne du livre de Goliarda Sapienza, c’est en quelque sorte « son Double sans fragilités », résume bien Nathalie Castagné, traductrice et biographe de l’écrivaine.
Vivre avec Modesta, c’était aussi un peu comme faire un enfant, écrit quant à lui, dans Goliarda, Angelo Pellegrino, qui a été le compagnon de l’écrivaine pendant ses vingt dernières années et qui consacre aujourd’hui à « Iuzza », comme l’appelaient tous ses amis, un beau livre de souvenirs, émus, vivants et sensuels. En 2015, il nous avait déjà donné quelques pages de souvenirs, Goliarda Sapienza telle que je l’ai connue (Le Tripode).
Ici, il prend prétexte de sa rencontre avec une jeune photographe
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