Paru en premier sur (source): journal La Presse
Il y a 20 ans, une immense file de curieux, remontant du boulevard De Maisonneuve jusqu’à la rue Ontario, se formait devant la Grande Bibliothèque de Montréal. Alors que l’institution célèbre cette semaine l’anniversaire de son inauguration, retour sur deux décennies de culture publique avec Mélanie Dumas, directrice des collections.
Publié à 8 h 00
Certains édifices montréalais peinent à traverser les époques sans être frappés de désuétude. Mais ce n’est pas le cas de la Grande Bibliothèque qui, 20 ans après son vernissage, a conservé une fière allure, soutenue par une offre renouvelée et une architecture toujours ancrée dans son temps.
« Quand on est dans notre propre maison, parfois, on ne voit plus la beauté des lieux. Mais quand on constate l’émerveillement des nouveaux visiteurs et la façon dont ils parlent de la bibliothèque, on se rappelle à quel point elle est encore belle et bien entretenue », confie Mme Dumas, soulignant qu’un concours d’architecture avait été organisé en vue de sa construction.
PHOTO ROBERT SKINNER, ARCHIVES LA PRESSE
Les Montréalais s’étaient déplacés en nombre pour assister à l’ouverture au public en 2005.
Un lieu qui a toujours honoré son tempérament rassembleur, et ce, dès le jour de son inauguration en 2005. « Les adversaires politiques avaient laissé leurs armes dans leur fourreau, le temps de célébrer la naissance de ce prestigieux lieu de savoir. La présence des Jean Charest, Bernard Landry, Gilles Duceppe, Lucien Bouchard, Line Beauchamp et Gérald Tremblay sous le même toit parlait d’elle-même », écrivait à l’époque le journaliste Hugo Meunier dans nos pages.
Rester en phase
Partie prenante du projet avant même qu’il ne sorte de terre, Mélanie Dumas a pu observer, alors qu’elle travaillait dès 2001 à la préparation des collections de la future bibliothèque, comment celle-ci a traversé les années sans que son succès ne se tarisse.
PHOTO FRANÇOIS ROY, ARCHIVES LA PRESSE
La directrice des collections de la Grande Bibliothèque, Mélanie Dumas
C’est un bel étonnement de voir encore l’intérêt du public, 20 ans après.
Mélanie Dumas, directrice des collections de la Grande Bibliothèque
Depuis l’ouverture, pas moins de 42,7 millions de personnes en ont franchi les portes.
Au fil du temps, l’un des plus grands défis fut d’épouser les habitudes des usagers et d’embrasser le raz-de-marée numérique venu changer la donne. En 2012, le lancement de la collection sur prêtnumérique.ca a sans contredit marqué un tournant, en marge d’autres chantiers, comme le développement d’un réseau interbibliothèques, ou la proposition de nouvelles activités et lieux de découverte sur place.
« La bibliothèque n’est plus juste un lieu où on vient emprunter un livre, c’est un lieu de vie. On voit un changement dans l’utilisation des espaces et pas seulement dans celle de la collection, indique Mme Dumas. On s’adapte, par exemple avec de nouvelles collections ludiques – jeux vidéo et jeux de société – et des lieux d’expérimentation comme la Hutte ou le Labo. »
Ces deux projets, s’adressant respectivement aux enfants et aux adultes, sont axés sur la création et l’apprentissage, avec un accent sur les nouvelles technologies. Au Labo, évolution du Square actuel qui devrait voir le jour en 2026, on trouvera entre autres des imprimantes 3D, de l’équipement de production sonore et vidéo et des projets de réalité virtuelle.
Défis d’hier et d’aujourd’hui
Parmi les épreuves auxquelles la Grande Bibliothèque a dû faire face, celle de la pandémie a été, comme ailleurs, particulièrement corsée, et son impact se fait encore sentir aujourd’hui, constate la direction des collections.
Elle a notamment agi comme accélérateur du développement de l’offre numérique, mais aussi comme modificateur des habitudes de fréquentation et de recours aux services bibliothécaires.
« C’est probablement la période la plus marquante de l’histoire de la Grande Bibliothèque », estime Mme Dumas.
PHOTO FRANÇOIS ROY, ARCHIVES LA PRESSE
La pandémie a eu des conséquences jusqu’à aujourd’hui dans l’offre et le fonctionnement de l’institution.
L’évolution du Quartier latin dans lequel elle est implantée a imposé également des défis grandissants à l’institution, dont la présence croissante de personnes en situation d’itinérance ou vulnérables aux abords du bâtiment.
Depuis l’ouverture de la Grande Bibliothèque, BAnQ a une posture d’inclusion sociale et pose des gestes concrets en ce sens.
Claire-Hélène Lengellé, relationniste
« Depuis bientôt un an, des intervenantes psychosociales issues de la Société de développement social contribuent à offrir un accompagnement et une prise en charge efficaces des personnes qui en auraient besoin », complète-t-elle, citant un pôle de réflexion interne et un plan d’action.
Et si on se donne rendez-vous dans 10 ans ? Mélanie Dumas entrevoit un lieu toujours dynamique et en constante évolution, en phase avec le marché des produits culturels, avec un numérique probablement plus présent, y compris sur place.
« La place du livre aujourd’hui est très importante, mais vu l’évolution graduelle des collections vers des formats numériques, on peut s’attendre à ce qu’il prenne un peu moins de place, ce qui en fera davantage pour une offre de service différente, qui évolue. »
En chiffres
79 024 431
Nombre de documents physiques empruntés entre 2005 et 2025. Côté numérique, on parle de plus de 20 000 000 emprunts.
38 436
Nombre d’emprunts réalisés par l’un des usagers de la Grande Bibliothèque avec une même carte, un record !
Les romans les plus empruntés depuis 20 ans
2005 : Signe suspect, Patricia Cornwell
2006 et 2007 : Vous revoir, Marc Levy
2008 : Acide sulfurique, Amélie Nothomb
2009 : Le mystère des dieux, Bernard Werber
2010 : Le fait du prince, Amélie Nothomb
2011 : Millénium 1 – Les hommes qui n’aimaient pas les femmes, Stieg Larsson
2012 et 2013 : Ru, Kim Thúy
2014 : Le chardonneret, Donna Tartt
2015 : Charlotte, David Foenkinos
2016 : Les maisons, Fanny Britt
2017 : Conversations avec un enfant curieux, Michel Tremblay
2018 : Le poids de la neige, Christian Guay-Poliquin
2019 : Un lien familial, Nadine Bismuth
2020 : Le bal des folles, Victoria Mas
2021 : Em, Kim Thúy
2022 : Tiohtiá:ke, Michel Jean
2023 : Que notre joie demeure, Kev Lambert
2024 : Triste tigre, Neige Sinno
Début 2025 : Rue Duplessis – Ma petite noirceur, Jean-Philippe Pleau