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Invitée dimanche soir sur le plateau de Tout le monde en parle, l’autrice Kim Thùy, qui avait déclenché une polémique en se confiant, en entrevue à Radio-Canada, sur sa « peine d’amour » à l’égard du Québec, a défendu l’importance du choix des mots pour parler d’immigration.
Je trouve que les mots qu’on entend ces temps-ci sont très durs
, a déploré l’autrice d’origine vietnamienne, qui a ressenti une profonde peine d’amour
en écrivant Ấm.
Cette pièce à l’affiche du Théâtre du Nouveau Monde (TNM) jusqu’au 8 octobre dénonce notamment le changement de regard porté sur l’immigration au Québec.
On croit que le discours politique est très loin de la population, mais le discours a un effet direct sur comment on se voit.
Ainsi, Kim Thùy, pourtant très populaire au Québec depuis le succès de son premier roman Rù en 2009, a constaté le changement d’attitude envers elle.
Soudain, on se réfère à moi en tant qu’immigrante, et non plus comme quelqu’un qui habite à côté de chez nous ou qui va à l’épicerie
, a-t-elle expliqué à l’animateur Guy A. Lepage.
Signe des propos décomplexés que certains peuvent tenir au sujet de l’immigration, une personne lui a demandé si elle trouvait que les Vietnamiens étaient laids.
L’écrivaine Kim Thúy sur le plateau de « Tout le monde en parle »
Photo : A. Media / Karine Dufour
L’immigration, un investissement plutôt qu’un coût
Soulignant le poids des mots, Kim Thùy a plaidé dimanche pour l’utilisation d’un autre vocabulaire pour parler des seuils d’immigration, par exemple. Dire, par exemple, qu’on aimerait accueillir X immigrants
permettrait de penser différemment
la question.
Au lieu de parler de l’immigration comme un coût , pourquoi on ne parle pas en termes d’investissement?
, s’est-elle interrogée, précisant que son père était devenu un contribuable de l’État québécois un mois après l’arrivée de la famille au Québec en tant que réfugiée.
Kim Thùy regrette également que l’immigration soit blâmée quand des problèmes comme la pénurie de logements ou l’inflation sont évoqués. Je reproche au discours politique de ne pas nous donner un éventail des facteurs [en cause]
.
Elle ne s’est jamais sentie aussi Québécoise
Dans le cadre de la promotion de sa pièce Ấm, Kim Thùy a rappelé la générosité dont le Québec a fait preuve à l’arrivée des boat people vietnamiens, comme elle, en 1979. À ceux et celles qui disent que la situation a changé en 45 ans, elle a remémoré le contexte économique de l’époque.
En 1979-1980, on était en pleine récession. La ville de Granby [où ont atterri Kim Thùy et sa famille] a quand même levé la main [pour accueillir des réfugiés] alors que plein d’usines fermaient à Granby.
L’accueil fut tel que Kim Thùy s’est tout de suite sentie aimée. Je suis devenue Québécoise avant de parler français
, a-t-elle souligné.
Sans ce sentiment d’appartenance et cette stabilité offerte par le Québec, elle ne serait pas lancée dans l’écriture.
Si je ne me sentais pas comme une citoyenne à part entière, je n’aurais jamais osé écrire la pièce comme je l’ai écrite.
Elle a ajouté ne s’être jamais autant sentie québécoise
, car elle s’est donné le droit de dire exactement
ce qu’elle avait à dire, un peu comme, en tant que bonne citoyenne, elle contribue à sa communauté en signalant, sur le site de la ville, l’existence d’un nid-de-poule pour qu’il soit réparé.

La scène du Théâtre du Nouveau Monde pour la pièce « Ấm », de Kim Thúy.
Photo : Yves Renaud
Des messages de haine, mais aussi d’amour
À la suite de la controverse suscitée par ses propos, Kim Thùy a reçu des messages pleins de haine. Cependant, ils n’ont représenté que 4 ou 5 % de l’ensemble des publications, le reste lui exprimant plutôt du soutien.
Cette majorité de messages positifs prouve que la société qui cherche l’harmonie
est encore présente. On est un village gaulois qui résiste à beaucoup de choses et qui a su grandir sans jamais tomber dans le piège de la violence
, s’est-elle félicitée.