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Johana Gustawsson | Un polar suédois au parfum de France

Paru en premier sur (source): journal La Presse

Ses polars sont traduits dans plus 40 pays, et elle est l’invitée d’honneur de la deuxième édition du festival de littérature policière Montréal Mystère, qui aura lieu la fin de semaine prochaine. À quelques jours de sa venue en ville, nous avons joint la romancière française Johana Gustawsson chez elle, en , pour parler de son nouveau titre, Les morsures du silence.


Publié à 9 h 00

Vos romans policiers ont souvent pour décor la Suède, où vous avez emménagé avec votre famille en 2021. Il y en a même un, La Folly, qui se passe en partie au . Les paysages nordiques sont-ils une bonne source d’inspiration pour les polars ?

[L’] Roxanne Bouchard est une amie. À travers elle, ses yeux, sa passion, j’ai découvert le Québec ; c’est pour ça que j’ai écrit La Folly. C’est elle et son amour pour son pays qui l’ont inspiré. Ce qui a vraiment inspiré ma première aventure d’écriture, ça a été le fait de voir ce paysage [en Suède]. J’écrivais en tant que journaliste, j’avais l’appel de l’écriture, mais je ne m’étais jamais lancée.

La première fois que je suis allée en Suède, en 2005, j’avais vu une barque retournée sur une plage, dans un petit port de plaisance de la côte Ouest, et je m’étais dit : il y a forcément un cadavre là-dessous ! Le silence, la nature qui est d’une beauté brute, les gens qui sont à l’opposé de la culture que je connais – qui est une culture du bruit… C’est la culture du secret, en fait, et c’est formidable pour écrire des histoires parce que tout de suite, on s’imagine tous les non-dits.

L’un des deux personnages principaux des Morsures du silence, Maïa, est d’ailleurs une Française qui, comme vous, a décidé de s’installer en Suède d’où est originaire son mari – à la différence qu’elle est commissaire de police. Et vous vous amusez à observer les habitudes des Suédois à travers elle…

Quand il a fallu que mon mari en Suède pour son travail, je me suis dit : aucun problème, je suis très sociable, ça va être facile… Et ça n’a pas du tout été ça ! Ça a été une installation très difficile parce que tout l’accueil que j’avais ressenti et vécu dans le groupe d’amis de mon mari, qui étaient devenus mes amis [au fil des voyages], et aussi dans ma belle-famille, ne s’est pas reflété sur l’île [de Lidingö] dans laquelle je vivais [et où se situe principalement le roman].

Alors ça a été très, très douloureux au début puisqu’en plus, je suis une fille du Sud, avec du sang méditerranéen, provençal et espagnol – donc on sourit, on va vers les gens – et je me suis retrouvée avec une culture qui était aux antipodes ! Des gens qui détournent le regard, qui refusent le contact, qui n’osaient même pas me dire bonjour, des mamans qui partaient quand elles me voyaient… Et donc pendant un an, j’ai été vraiment en souffrance.

J’ai réalisé après que c’est juste une culture qui n’est pas à l’aise là-dedans et qu’il fallait que je l’accepte. Et à partir du moment où j’ai compris ça… rien n’a changé, c’est toujours pareil [rires] ! Mais je ne suis plus triste. C’est un ami qui m’a dit à l’époque où je souffrais : « Pour toi, l’écriture est cathartique ; pourquoi tu n’écrirais pas là-dessus ? » Et je me suis dit : c’est une super bonne idée, je peux me lâcher [rires] !

Quel a été l’élément déclencheur de ce roman qui commence par un premier meurtre dans l’archipel de Stockholm – forçant l’enquêteur Aleksander Storm à replonger dans une affaire vieille de plus de 20 ans ?

Il y a plusieurs éléments, dont celui de parler de mon expérience d’expatriée. Maïa réagit comme la Parisienne qu’elle est : elle cherche à acheter une bouteille de vin, elle ne la trouve pas, elle voit ces écoles qui ne sont pas grillagées – c’est d’ailleurs l’école primaire de mes enfants dont je parle et ça a été ma réaction la première fois que je suis venue.

Et puis, il y a la partie qui est liée au consentement. J’ai une indignation profonde par rapport à la manière dont on traite les victimes de viol et dont la société gère cet acte qui détruit des vies au-delà de la vie de la victime, parce que ça s’étend à la famille, aux générations.

Il y a eu une affaire en qui a finalement mené à changer la loi [sur le consentement sexuel] et tout un tas d’histoires qui m’ont tellement indignée que je me suis dit : j’ai envie de parler de ça. Et enfin, j’ai ma petite sœur qui est passée par là, jeune. Ce qui est incroyable, c’est qu’en fait, c’est l’unique crime où les victimes se sentent coupables. C’est terrible.

Est-ce qu’il y aura un deuxième titre avec les personnages de Maïa et Aleks ?

Je ne sais pas encore… J’ai un qui paraît en janvier, écrit avec l’écrivain norvégien Thomas Enger, qui est paru d’abord en anglais et qui est en train d’être traduit en français [Son]. J’espère aussi revenir bientôt à ma série avec Emily et Alexis Castells. Mais les personnages de Maïa et Aleks sont vraiment restés ; quand je me promène dans l’île, ils sont là, pour .

Une vingtaine d’auteurs et d’autrices sont attendus au festival Montréal Mystère (les 23 et 24 mai à la Grande Bibliothèque), dont Martin Michaud, Steve Laflamme, Shari Lapena, Nita Prose. Johana Gustawsson participera à la table ronde Noirceur profonde samedi après-midi (en français), avec Hannah Mary McKinnon et Clémence Michallon, ainsi qu’à une discussion en soirée (en anglais) avec David Warriner.



Consultez le site du festival pour la programmation complète

Les morsures du silence

Les morsures du silence

Johana Gustawsson

373 pages

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Johana Gustawsson Les morsures du silence



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