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L’amour est enfant de bohème
Il n’a jamais, jamais connu de loi
Si tu ne m’aimes pas, je t’aime
Si je t’aime, prends garde à toi !
Carmen, opéra de Georges Bizet,
adapté d’une nouvelle de Prosper Mérimée
C’est en 1875 qu’eut lieu la première de l’opéra Carmen, créé par Georges Bizet, s’inspirant de la nouvelle du même nom de l’écrivain Prosper Mérimée. À sa création, le spectacle fait esclandre. Il contrecarre l’esprit du temps qui prône une morale étroite et bien-pensante. L’atmosphère qui règne à Versailles à ce moment est pétrie de principes oppressifs ; on met la clé sous la porte des cabarets et des cafés, on destitue les fonctionnaires qui dépassent du cadre, on n’aime pas la gauche trop à gauche et on instaure le couvre-feu. L’ambiance est à la France conservatrice et le personnage de Carmen, une gitane affranchie et pleine d’assurance, jure dans le décor. (Il faut dire que peu importe l’époque, qu’elle soit un peu plus ou un peu moins austère que la précédente, on n’a jamais vraiment aimé l’incarnation de la femme libre qui représente la tentation ou l’éloigne de la servitude où on souhaite la cloîtrer. Dans le récit, d’ailleurs, Carmen est tuée par un de ses prétendants jaloux.) Mais l’œuvre Carmen a tout de même survécu à ses opposants et est à ce jour un des opéras les plus joués au monde.
Il en va de même pour la romance, à laquelle nous consacrons un dossier dans ce numéro [pages 33 à 51], un genre qui a rarement eu bonne presse, bien qu’il ait toujours pu compter sur un lectorat. Depuis 2020, elle prend sa revanche et sort du placard. Ses lectrices (parce qu’il s’agit bien de lectrices dans 94,9 % des cas) s’affichent sur toutes les tribunes et remettent l’amour, et la lecture, au goût du jour. Peut-on vraiment être contre ça?
D’autant qu’au cours du mois de janvier, une étude réalisée par GRIS-Montréal auprès de 35 000 jeunes de 12 à 17 ans montre que le taux d’intolérance envers les personnes homosexuelles a doublé au cours des sept dernières années au Québec. C’est difficile à comprendre. Faut-il le rappeler, l’amour « n’a jamais, jamais connu de loi » et tous et toutes ont le droit d’aimer. « Je pense qu’on a plus que jamais besoin, dans ce monde de violences et de chaos, de ce repère-là », affirment les deux autrices françaises derrière Emma Green, dont les livres sont parmi les plus populaires en matière de romance [page 38]. « Je crois qu’on est tous quand même au fond des grands romantiques, tous accros à l’amour. » Comme le chantait ce bon vieux Robert Charlebois sur des paroles de l’imparable Réjean Ducharme :
J’veux d’l’amour !
Au compte-gouttes
À la pelle !
À Beyrouth !
Au bordel !
Au secours !