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Après avoir publié deux recueils de nouvelles aux Editions du Boréal (Tomber du ciel, en 2006 et L’Enfant en 2009), Caroline Montpetit y fait paraître son premier essai sur des enjeux autochtones.
Photo : Radio-Canada / Maud Cucchi
La journaliste Caroline Montpetit propose une immersion dans les 11 langues autochtones du territoire québécois en dressant le portrait d’un locuteur de chacune d’entre elles dans son nouveau livre Bonjour! Kwe! À la rencontre des langues autochtones du Québec.
Alors que les technologies modernes permettent à l’information et au savoir de circuler rapidement et d’atteindre une population grandissante, la diversité linguistique, elle, ne cesse de diminuer.
Seulement 15,6 % de la population autochtone canadienne affirme pouvoir converser dans une langue autochtone, au dernier recensement de Statistique Canada en 2016. Dix ans plus tôt, ce pourcentage s’élevait à 21,4 %, rappelle l’auteure en introduction de son essai publié aux Éditions du Boréal à compter du 8 novembre.
Journaliste au Devoir depuis plus de trois décennies, Caroline Montpetit y a publié une série d’articles en 2017 pour témoigner d’une réalité vivante, bien que moribonde dans plusieurs cas
de ce patrimoine culturel à partir de ses rencontres avec des locuteurs des onze nations du Québec, leaders
dans leurs communautés.
Remaniées en courts récits, les entrevues constituent dans cet essai un panorama vivant de la diversité linguistique autochtone, avec l’ajout de deux nouveaux témoignages, ceux du Cri Roméo Saganash et de l’Innue Joséphine Bacon.
L’ouvrage d’à peine plus de 100 pages se présente humblement comme un tour d’horizon simple et accessible pour les gens qui s’intéressent aux questions autochtones
, explique Mme Montpetit, dont l’envie d’en connaître davantage sur les communautés s’exprimait déjà dans ses tout premiers articles, à la fin des années 1980.
Caroline Montpetit est journaliste au Devoir depuis plusieurs décennies.
Photo : Pierre Trudel
Comme beaucoup de journalistes, j’étais fascinée par différentes cultures, partage-t-elle. Dès que j’ai compris qu’il existait des cultures différentes de la mienne qui vivaient dans le même pays et qu’on connaissait mal, je m’y suis intéressée
.
Elle sera des premières journalistes à informer le public sur la crise d’Oka, une période charnière dans l’éveil des Québécois aux enjeux autochtones, se souvient-elle.
Éventail d’expériences
Les chapitres de son essai s’appuient sur différents témoignages d’Autochtones pour établir un état des lieux sensible de l’abénakis, de l’atikamekw, du cri, de l’innu, du wolastoqey, du mi’kmaw , du mohawk, du naskapi et du wendat.
Fort à propos en cette Décennie internationale des langues autochtones, l’ouvrage s’applique à démontrer comment les langues vernaculaires jouent un rôle essentiel dans la vie quotidienne des locuteurs autochtones et comment l’héritage linguistique a fortement pâti des politiques assimilationnistes canadiennes, même si les missionnaires ont joué un rôle prépondérant dans leur retranscription.
Certains locuteurs, comme David Kistabish, ont bénéficié de l’enseignement de leurs parents. N’ayant pas fréquenté les pensionnats pour Autochtones où les enfants surpris à parler leur langue étaient punis, ils ont pu transmettre leur culture algonquine à leurs enfants.
L’homme de théâtre Dave Jenniss, lui, a dû se battre pour renouer avec son identité malécite (wolastoqey) au fil d’une quête complexe qu’il raconte à Caroline Montpetit. Pour un projet de théâtre, M. Jenniss ira jusqu’au Nouveau-Brunswick pour apprendre la langue perdue de ses ancêtres; une étape nécessaire pour être reconnu comme Autochtone, partage-t-il dans le livre.
Caroline Montpetit retrace aussi le parcours de celles et ceux qui se battent pour que leur langue continue de vivre et d’être enseignée dans leur communauté, avec succès. Nicole Petiquay, par exemple, fait le tour des écoles pour promouvoir l’atikamekw, l’une des langues autochtones les plus vivantes au Canada. À Wemotaci, 95 % des gens la parlent, indique-t-elle à la journaliste en 2017.
« Le point commun entre tous, c’est leur fierté d’être autochtones et leur désir de maintenir leur héritage. »
Chaque chapitre s’achève sur des statistiques linguistiques de la communauté mentionnée et propose quelques mots dans sa langue.
On découvrira ainsi qu’en naskapi, les expressions s’il vous plaît
ou je m’excuse
n’existent pas; qu’en cri, il existe deux concepts du printemps et de l’automne, et qu’en algonquin (anicinabemowin), le cheval est désigné par comparaison au caribou, comme l’animal avec un ongle par pied
.
Face à l’urgence de préserver ces trésors
, Caroline Montpetit rappelle les différents leviers législatifs récemment annoncés par les gouvernements : la Loi sur les langues autochtones, datant de 2019, qu’Ottawa s’est engagée à mettre en œuvre.
Au Québec, lors du sprint final de la campagne électorale, François Legault avait aussi promis de légiférer pour protéger les langues autochtones, trois jours pile avant le scrutin.