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« Car il n’est pas de plus grande gloire pour un homme au cours de sa vie, écrit Homère au chant VIII de l’Odyssée, que de remporter une grande victoire avec ses pieds et ses mains. » Tout est dit, de l’olympisme et du sport en général, qui consistent, depuis plus de deux mille ans, à faire des pieds et des mains pour gravir, air humble et torse bombé, le cou en attente, le divin podium. Une histoire mêlée de technique physique et de désir frénétique, de scénographie politique et de hauts faits sportifs, dont la naissance nous est contée avec toute la ferveur érudite possible par deux marathoniens de l’histoire antique, Pascal Charvet et Annie Collognat.
Une grande dramaturgie où s’exerce une « éthique de l’intensité », se confrontent niké (la victoire) et agon (l’esprit de compétition), et qui nous est présentée tel un « évitement » : « Il ne s’agit pas de simuler la guerre mais de conjurer l’affrontement, d’intégrer le conflit dans la rencontre. » Mille deux cents ans d’olympisme antique panhellénique (− 776-392), répartis sur quatre lieux (Olympie, Delphes, Corinthe, Némée), dont Olympie et ses 40 000 spectateurs (femmes proscrites) demeurent l’épicentre mythique, avec son histoire divino-humaine, son mélange de temples et de stades, d’hippodrome et de galeries des bustes. Une histoire qui tient à la fois du noble art et de la mêlée sauvage, avec la digne foulée des coureurs et le corps en miettes des conducteurs de chars accidentés, le jet des javelots et l’assaut des pugilistes aux poings bandés, adeptes du fatal « coup de la charrue » sur le crâne de l’adversaire. Entre guide de voyage et randonnée érudite, Olympie à portée de la main.
Au sein du Who’s Who athlétique proposé, en fin de volume, par Charvet et Collognat se détachent les noms d’Alcibiade, le Brummell athénien aux attelages miraculeux, Kyniska la Spartiate, femme acceptée comme aurige car propriétaire de ses chevaux et deux fois victorieuse, Diagoras de Rhodes, l’homme aux poings d’or, mort de ne pouvoir être un dieu, Polydamas de Skotoussa, le titan du Pancrace.
Mais c’est à l’herculéen Milon de Crotone (port du golfe de Tarente, dans le sud de l’Italie, et grande cité athlétique) que reviennent les lauriers légendaires. Une exception due, comme nous le montre Jean-Manuel Roubineau, à la complexité de sa figure. Milon mêle, en effet, à une gloire de lutteur mythique et de masticateur hors ligne (ingérant d’une traite un bœuf entier) la vaillance herculéenne d’un soldat affrontant les forces de sa rivale Sybaris massue en main, coiffé d’une peau de lion, et le goût de la sagesse et de l’harmonie d’un disciple (et gendre) de Pythagore.
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