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Après le cours tortueux de la Blackwater (2022), après le « triangle noir », enclave infernale d’une New York fin de siècle, approché dans les funestes Aiguilles d’or (2023), après Katie et son duel titanesque, sur les quais de l’Hudson, entre la médium à la hache Katie Slape et la jeune Philomela Drax (2024), la « Bibliothèque Michael McDowell », qui est bien l’enfer des éditions Monsieur Toussaint Louverture, s’enrichit d’un nouveau titre de ce maître du thriller fantastique américain et scénariste de Tim Burton (Beetlejuice, L’Etrange Noël de monsieur Jack) : Lune froide sur Babylon.
Au rouge sang, séché ou fumant, des précédentes couvertures succède le bleu violine des myrtilles. Celles que cultivent laborieusement, en Floride et pour de chiches résultats, les trois membres de la famille Larkin. Famille marquée, famille décimée dont le père et la mère sont tués par des crotales judicieusement disposés dans leur barque, dont la fille est retrouvée, le corps noyé et dilacéré, flottant dans l’eau sombre de la rivière locale, la grand-mère et le fils, embrochée et décapité. Un festoyant abattoir que rien ne vient expliquer, si ce n’est les torves menées des fistons du banquier local, le shérif apathique et une pom-pom girl montée sur ressorts. Par chance, la germination proliférante de figures spectrales et de fantômes venus des profondeurs va renverser les rôles et assurer une justice radicale.
Que voulez-vous, quand une cité se nomme Babylon et la rivière qui la baigne le Styx, on aurait tort de jouer les effarouchés. Après une évocation de l’Amérique de la fin du XIXe siècle, celle qu’opère McDowell (1950-1999) des années 1980 gagne en angoisse pesante. Que ce soient les myrtilliers du clan Larkin, le flot bourbeux du Styx, l’image sinistre du vieux banquier grabataire et de ses fils déments, les fantômes qui lèvent comme du blé et surtout l’énorme lune blafarde et « monotone » qui « surexpose et pétrifie » la bourgade et son cimetière de sa clarté morte, livide et incandescente, tout est là pour faire de Babylon une cité sans retour… où l’on rêve d’aller.
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