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Ne jouons pas les étonnés ! Quand on apprend que Sam J. Miller, star montante de l’imaginaire américain, fils de boucher new-yorkais et boucher de formation tourné conteur végétarien, auteur d’un livre pour enfants intitulé The Art of Starving (« l’art d’être affamé », non traduit) et du roman dystopique La Cité de l’orque (Albin Michel, 2019), avec sa mégapole marine en dérive et son héroïne inuite, quand pareille plume se saisit du New York des gangsters des années 1920, seul le pire peut en résulter.
Dont acte avec le court roman Kid Wolf et Kraken Boy, traduit excellemment par Michel Pagel, qui nous offre un détonant mélange de romance gay haute énergie et de vision ésotérique de l’art du tatouage, d’évocation scorsésienne de la Mafia et de l’univers du ring. A ma gauche, Kraken Boy, tatoueur virtuose, génie de l’encre à la cool, à ma droite Kid Wolf, champion du monde de boxe en bouton. En marraine du couple d’amoureux, Hinky Friedman, reine de la truande.
Alors que la crise de 1929 sort du bois, que les grèves se brisent comme les jambes et que les familles mafieuses se dessoudent en rangs serrés, on assiste à l’ascension mondiale de Kid Wolf, qui disperse ses adversaires comme un rang de quilles. De victoires dues à son punch radical, mais également aux tatouages qui l’ornent du crâne aux reins, glyphes magiques générateurs d’hyperpouvoirs. La fin du récit amplifie encore, jusqu’à l’hallucination, l’apparat magique : contrôle à distance, massacre ludique et transportation d’un corps à l’autre. Avec les aventures du Kraken et du Wolf, Sam J. Miller célèbre les noces rouges d’Al Capone et d’Hermione Granger. Gloire à lui !
Un moment de folie qui rendrait presque la geste sanglante et cavalcadante de Bonnie & Clyde paisible, à tout le moins prévisible. Mise en forme par la journaliste et romancière Jan Isbell Fortune (1892-1979), narrée par la mère de la jeune fille, Emma Parker, et la sœur du pistolero, Nell Barrow Cowan, la geste de sueur et de sang du « bébé aux yeux bleus » et de son chevalier-flinguant qui fit, entre janvier 1930 et mai 1934, quatorze morts et les choux gras de la presse américaine mêle témoignages familiaux directs, poèmes, correspondances, donnant à l’ensemble une vitalité insensée.
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